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« Ça va se finir comme hier, ils vont arrêter tout le monde »

dimanche 13 décembre 2009, par Amitié entre les peuples

Copenhague, l’ultimatum climatique

Libération - Terre 13/12/2009 à 16h16

« Ça va se finir comme hier, ils vont arrêter tout le monde »

REPORTAGE

Dans la capitale danoise où se tient le sommet sur le Climat, les militants pacifistes s’insurgent contre les pratiques policières et les interpellations arbitraires. Nouvel exemple dimanche midi, lors d’une manifestation qui rassemblait 300 personnes tout au plus.

De notre envoyé spécial, Sylvain Mouillard
Lors de la manifestation ce midi, dans les rues de Copenhague. (REUTERS)

Midi, sur la place de Trianglen, à quelques encablures du centre de Copenhague. Trois gamines préparent leurs kits de premiers soins, sweat-shirt noir et brassard blanc apparent. Peu à peu, la foule afflue. 300 personnes, tout au plus.

Des tracts sont distribués. L’objectif : frapper les moyens de production au port de Nordhavn et dénoncer « la société de marché, fondée sur le profit ». Les installations sont à moins d’un kilomètre. Plusieurs objectifs sont inscrits sur le plan, dont l’endroit où sont stockés les containers ou les grues de chantier. Un des mots d’ordre : « arracher les étiquettes d’identification des containers ».

Des représentants de la police arrivent et de courtes négociations s’engagent, dans la confusion. La manifestation, formellement annoncée dans les guides des militants mais dont la police dit qu’elle n’était pas « prévue », sera-t-elle tolérée ? Ces anars venus de Strasbourg en doutent : « il y a trop de caméras ici, on se casse et on retournera au port en petits groupes ». Dans la foule, également, des volontaires danois d’une organisation chargée de surveiller les « brutalités policières ». Karen, équipée de sa chasuble jaune fluo, semble redouter des débordements : « La police danoise a des pouvoirs spéciaux. Je ne sais pas comment ça va tourner ».

Mal, en l’occurence. Le cortège, précédé d’une banderole « Hit the production » (« Frapper la production », ndlr) démarre, d’abord escorté d’une cinquantaine de flics en jaune fluo, sur les côtés, plutôt distants. La marche est fermée par huit fourgons de police, alors que les routes alentours ne sont pas barrées. Les manifestants (cagoulés pou certains) scandent des « No pollution, revolution ! » ou des « Anticapitalisme ! », alors que les enceintes du camion crachent leur son, rap, rock ou Rn’B.
Le cordon de « robocops » se resserre

Dans le cortège, quelques uns des fameux « black blocs », mais aussi des indépendants. Peu à peu, le dispositif policier grossit. Les hélicos tournoient dans le ciel, et le cordon de « robocops » se resserre. « Nous n’avons rien fait d’illégal, restez groupés, c’est notre droit à manifester », crient les activistes.

Certains, prudents, sortent du cortège. Telle Eeva, militante finlandaise d’Attac, boucles rousses et chapeau rose sur le crâne. « C’est très exagéré de la part de la police, plus nombreuse que les manifestants. Il n’y a pas eu de violences, pas de pierres jetées. Ils bloquent de manière préventive. Dès que tu t’habilles en noir et que tu écoutes du RN&B, tu es considéré comme dangereux ». Une militante belge, elle, regarde le convoi, dépitée : « ça va se finir comme hier, ils vont arrêter tout le monde. Ce n’est pas comme ça qu’il faut agir, avec une manifestation annoncée. Il faut faire des actions directes ».

La manifestation est partie depuis à peine vingt minutes, elle a progressé de 500 mètres. Le port est encore loin et les policiers accélèrent le mouvement. Au croisement entre Gronningen et Ostervolgade, des camionnettes déboulent. Un cordon se forme. Impossible de passer. Un petit groupe d’une vingtaine de personnes, dont un homme avec une poussette, se retrouve bloqué sur le trottoir, entre une haie piquante et des policiers pas vraiment commodes. Certains escaladent la haie et se dispersent en courant. La même opération se répète en de multiples points. Il y a désormais près de 40 camionnettes des forces de l’ordre, deux bus arrivent.
« Les policiers m’ont tapé dessus »

Outre le principal cordon policier, qui bloque une petite centaine de personnes sur la chaussée, plusieurs groupes de flics opèrent en de multiples endroits, resserrant l’étau. « Il y a plusieurs blessés », confie un infirmier danois, en terminant de soigner un jeune italien, blessé à l’épaule et au visage : « Les policiers m’ont tapé dessus », dit-il. Une Française, venue d’Hénin-Beaumont, pleure carrément. Elle a été victime d’un tir de gaz lacrymogène, « en prenant une photo ».

Les interpellations commencent au sein du noyau de la manif, cerné par un important dispositif de policiers et de chiens. Des militants sont menottés. Ils iront vraisemblablement remplir le « zoo », la prison « spéciale climat » mise en place par les autorités danoises. Un groupe de Français, qui s’est mis en retrait, engage la conversation. L’un d’entre eux a été pris dans le vaste coup de filet de samedi. « J’ai été arrêté vers 16 heures, transféré dans les « cages » de la prison, et libéré à une heure du matin. Les flics ne te demandent même pas ce que tu as fait. Tu donnes ton identité, subis une fouille corporelle. »

Dans ce groupe de 20 potes, membres du collectif « Urgence climatique et justice sociale » basé à Amiens, six ont déjà été placés en détention préventive depuis qu’ils sont arrivés à Copenhague, il y a trois jours. « La répression des policiers va crescendo, explique l’un d’eux. Hier, j’ai été arrêté à 11 heures du matin parce que je regardais un plan de la ville, sur lequel j’avais entouré le point de départ d’une manif alternative. » Un autre complète : « Il va falloir mener d’autres actions, pas institutionnalisées, plus ponctuelles. »