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Blasphème contre le drapeau et la Marseillaise ? C Delarue

dimanche 15 novembre 2009, par Amitié entre les peuples

Comme suite à « Un « torche-cul » le drapeau tricolore ? » par LL

Voici quelques pistes pour un débat libre, ouvert et sans dogmatisme.

Pour une position critique universaliste responsable.

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1 - Le potentiel mobilisateur « de classe » du drapeau tricolore et du chant national est-il épuisé ?

La Nation comme représentation globale, est ambiguë car elle porte à la fois de l’émancipation et de l’aliénation, de la libération et de la sujétion. Elle pousse souvent plus à la guerre qu’à la paix, au colonialisme qu’à l’indépendance.

Historiquement elle a eu un rôle mobilisateur positif puisqu’elle a permis de faire émerger la République contre la Royauté et de sortir la France de l’Ancien régime et du Moyen-âge. La Révolution de 1789 étant inachevée pour le peuple-classe mais close pour la bourgeoisie, on peut dire qu’il y a eu dispute d’un symbole entre la bourgeoisie et le peuple-classe. Ce dernier a vu longtemps dans la Nation et ses symboles un vecteur d’émancipation. Ce fut moins évident ensuite. Je situe - sans être historien - la naissance du désenchantement au début du XX ème siècle . Il y a eu d’un côté la trahison de 1914 (alliance de classes pour la guerre) et de l’autre le choix du drapeau rouge issue de l’affirmation de l’internationale ouvrière. L’internationalisme ouvrier né au XIX siècle avec l’AIT en 1864 et notamment avec Marx, auteur du Manifeste communiste et citoyen du monde, s’est développé au XX ème siècle en portant une exigence forte : « Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! ».

Votre ennemi c’est d’abord votre propre classe dominante, votre propre bourgeoisie. Simplement parce qu’on ne fraternise pas avec ceux qui maintiennent de façon continue une domination de classe. Ce n’est pas là une haine de classe pathologique. Il ne s’agit pas d’éliminer physiquement les capitalistes et les bourgeois ! Il s’agit de les déposséder de ce qu’ils ont en quelque sorte volé au peuple-classe (1). A défaut d’être ennemi il sera à tout le moins vu comme adversaire. C’est du moins la thèse (2) que défend Philippe Zaifian qui dit : « Un adversaire est qualitativement autre chose qu’un ennemi et cela détermine une pensée et une pratique de la lutte toutes différentes » Il ajoute : « Pour faire image la lutte de classe, vue dans la perspective des salariés, n’a pas pour but ou pour objet d’éliminer ou de détruire , d’une quelconque façon, la classe capitaliste. Elle a pour objet de la pousser sur le bord du chemin, de la bousculer, de la renvoyer dans le passé... »

En somme, le refus de la Nation comme concept englobant provient du refus de la domination, de l’exploitation et de l’oppression qui passe par la classe dominante et par d’autres vecteurs qu’ils soient concrets ou abstraits (on parle alors avec Jean-Marie Vincent de dispositifs abstraits de domination). La bourgeoisie maintient son pouvoir grâce ses réseaux qui la constitue comme classe subjective « pour elle » et grâce à une couche sociale d’appui (une fraction de l’encadrement supérieur salarié) et surtout grâce au MEDEF en France en lien avec les organes européens et mondiaux de défense des grandes entreprises. La Nation comme territoire peut être la base matérielle des services publics nationaux. C’est là un aspect positif essentiel. Notons enfin, qu’il y a d’autres dominations que celle de la classe sociale dominante : le sexisme et le racisme sont les deux autres formes importantes.

S’allier avec la bourgeoisie et ses représentants politiques c’est abandonner l’amitié entre le peuple pour la guerre entre les peuples. A mon sens c’est donc plus le pacifisme internationaliste du début du XX ème siècle que les conflits de classe du XIX siècles qui ont transformé et réorienté les idéaux mobilisateurs. Ce n’est pas, me semble-t-il, le Front populaire de 1936 qui a changé la perception de la question : « à qui appartient la nation ? » mais plutôt 1946 et le programme national issu de la Résistance. De nouveau la Nation semble appartenir beaucoup plus au peuple-classe et moins à la bourgeoisie. La République devient sociale en 1946, mais désarmée elle ne deviendra pas socialiste.

Cet équilibre issu d’un rapport de force entre les classes tiendra pendant les Trente glorieuses sous le nom d’Etat providence. Mais pendant cette période les conquêtes sociales sont rognés. Pendant cette période la bourgeoisie n’a cessé accroître sa domination. L’Etat providence n’a pas été étendu aux peuples colonisés ni aux immigrés. La République sociale permet une certaine redistribution des richesses mais maintient le noyau dur du capitalisme. Elle n’est pas une République socialiste. Les symboles de la nation sont compatibles avec la République sociale car le peuple-classe comme la bourgeoisie peuvent encore se les disputer en lui donnant des contenus différents. Mais il n’est pas prouvé qu’ils le soient avec une République socialiste. C’est possible en s’appuyant sur la solidarité entre les peuples-classe et sur le « carré républicain : liberté, égalité, adelphité, laïcité ».

2 - Jusqu’où peut aller la critique des symboles nationaux ?

On peut évidemment critiquer le triptyque Liberté, égalité, fraternité alors qu’il est plus clairement progressiste que le drapeau . Le triptyque montre une France qui peut être libérale-bourgeoise mais pas pétainiste. C’est déjà un pas de fait.

* La critique peut-elle tourner à l’insulte ou à la diffamation via des actes tels que « siffler la Marseillaise » ou « pisser sur le drapeau » ? Ici la question vaut aussi bien contre le drapeau tricolore national que contre le drapeau rouge du communisme ou le drapeau noir de l’anachisme . Cette question est à rapprocher, me semble-t-il, avec ce qui se dit des religions. Peut-on « diffamer » les religions ? C’est la question du blasphème. On peut dire « pisser » sur les textes sacrés de toutes les religions pour les défétichiser, c’est à dire pour les ramener à l’état de choses ordinaires. Ce qui au passage remet les humains à leur juste place. Ils cessent d’être « à genoux » pour « être debout ». Il y a donc dans cette défétichisation un réel processus d’émancipation qui peut cependant très bien se passer - en pratique - d’actes blasphématoires répétés. On peut faire la même chose face à une identité nationale fétichisée et instrumentalisée.

* Y a-t-il des limites ? L’usage du blasphème récurent et orienté de façon obsessionnelle contre une religion hors de tout contexte oppressant débouche souvent sur des dérapages condamnables. Le blasphème érigé en sport conduit à des formes d’intolérance qui conduisent au racisme. Il faut faire attention aux excès en ce sens. Quand on passe peu à peu de « l’insulte » (sic) des textes sacrés à l’insulte des humains croyants on commet un délit. C’est l’état de la législation française. La loi parle même d’incitation. Autrement dit, petit problème pas toujours simple, il y a des critiques négatives de la religion qui sont condamnables car elles incitent beaucoup trop au passage à l’acte contre les croyants de cette religion. Tout est question d’appréciation en fonction du contexte. Pour autant le blasphème des religions réelles comme de tout de ce qui peut être érigé en religion ou en sacré est permis et devrait le rester malgré les pressions internationales.

Par contre, tout comme il est interdit de faire des bombages sur les églises, les mosquées et les synagogues il est interdit de le faire sur les mairies et les bâtiments officiels de la Nation ou de la République. Vous pouvez faire un bras ou un doigt d’honneur ou tout autre geste clairement offensant devant le drapeau si en fonction du contexte le drapeau représente une contre-valeur humaniste. Si le geste peut s’adresser aussi à des agents de la République, clairement visible comme tel il y a risque d’insulte (ou de diffamation - ). En l’espèce, on peut conchier les religions mais on doit respecter les croyants. L’expérience du racisme ordinaire montre que la différence n’est pas socialisée, « démocratisée ». Quand la nation se transforme en une sorte de « religion nationale » par instrumentalisation de l’identité nationale alors son blasphème est permis. Car les symboles de la nation ne doivent pas se transformer en objet sacré au-dessus des humains à l’instar des religions. Si le blasphème des religions est permis, le blasphème de la nation fétichisé l’est aussi.

Christian Delarue

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1) Peuple-classe : La bourgeoisie est la seule vraie classe, la seule unie pour défendre ses intérêts. Corrélativement, le peuple-classe est en quelque sorte ce qui reste une fois enlevé la bourgeoisie. Le peuple-classe est donc une quasi-classe, une classe par défaut qui doit en permanence se construire et s’unir en réponse à la domination de la classe bourgeoise. Le peuple-classe ne se résume pas aux salariat dominé ni aux nationaux. Il est l’immense majorité de la population d’une formation sociale. Il englobe dans les pays développés comme la France les couches moyennes aisées ( de 3000 à 5000 euros par mois) et les prolétaires qui épuisent leur salaires en fin de mois (moins de 3000 euros par mois).

2) in L’échelle du monde Philippe Zarifian p 187

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