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Berlin 89 – Jérusalem 09 : d’un Mur à l’autre . B Moriamé

mardi 24 novembre 2009, par Amitié entre les peuples

Berlin 89 – Jérusalem 09 : d’un Mur à l’autre

Benjamin Moriamé

via le site de Michel Collon

Bien des murs ont été érigés depuis vingt ans. Tandis que la commémoration de la chute du Mur de Berlin bat son plein, les barrières du « monde moderne » restent invisibles au plus grand nombre. La plupart de ces nouveaux murs, au Mexique, au Botswana ou dans le sud de l’Europe, font obstacle à l’immigration. Le Mur du Proche-Orient, lui, n’est pas bâti sur une frontière. Il serpente à l’intérieur du territoire palestinien sur plus de 450 kilomètres – bientôt 700. Ce Mur traîne derrière lui des conséquences, à la fois humanitaires et politiques, inégalées.

C’est un triste anniversaire. Il y a cinq ans que la Cour internationale de Justice dénonce, en vain, la construction d’un mur par Israël dans les territoires occupés palestiniens. Par son « avis » du 9 juillet 2004 – les Etats-Unis ont refusé qu’il s’agisse d’un jugement contraignant – l’une des plus hautes instances judiciaires au monde établissait que la construction, dont le but officiel est de contrer les attentats palestiniens, est contraire au droit international et, en particulier, au droit de la guerre. Elle réclame par conséquent son démantèlement, l’indemnisation de tous les Palestiniens préjudiciés et une pression des autres Etats en faveur du droit. Cinq ans plus tard, les Etats occidentaux semblent supporter le Mur comme un cheval des œillères.

C’est un joyeux anniversaire. Comment ne pas se joindre, avec un soupçon de réserve toutefois, à l’enthousiasme de millions de personnes qui ont souffert durant de longues années derrière le Rideau de fer ? Vingt ans, c’est une génération libre de murs. Les Berlinois n’oublieront pas, malgré tout, ces 3 mètres 60 de béton, cette longue muraille de 155 kilomètres, avec ses miradors, son « check-point Charlie », etc.

La « barrière de séparation » – euphémisme d’usage en Israël – est sans commune mesure avec son tragique prédécesseur. L’hydre décapitée en 1989, ressuscitée à Jérusalem, a plus que quadruplé de volume. Ses nombreuses sections de béton – essentiellement dans les villes – sont parfois hautes de neuf mètres, avec un minimum de six. Les tronçons de grillages électroniques – en zones rurales – sont larges de cinquante à cent-cinquante mètres, puisqu’ils s’accompagnent d’une route de patrouille réservée aux soldats israéliens, d’un fossé, de pyramides de barbelés « lames de rasoirs » (fabriqués en Belgique), etc. Pour construire cet ensemble – 703 kilomètres sont prévus – des centaines de maisons palestiniennes ont déjà été détruites.

Ce ne sont pourtant pas les imposantes mensurations de l’édifice qui sont les plus lourdes de conséquences, mais plutôt son tracé sinueux. Le Mur déploie ses méandres à travers les territoires occupés, comme un serpent étouffe sa proie (voir carte ci-contre). Tout les points vitaux palestiniens sont gravement touchés : économie, soins de santé, enseignement, accès à l’eau…

« J’ai perdu le tiers de ma terre », se désole Nabile Shrime, loin d’être une exception parmi les nombreux agriculteurs de Qalqilya, une ville de plus de 45.000 habitants dont les quatre horizons sont barrés par le Mur. « De plus, le Mur, percé de trous, a été construit de telle façon que l’eau s’écoule depuis Israël vers nos champs et engendre de graves inondations. » Durant l’hiver, une véritable mer noie parfois les plantations. Mais l’eau potable, elle, devient encore plus rare et chère. Dans les districts de Qalqilya, Jénine et Tulkarem, une cinquantaine de puits ont été rendus inaccessibles par la construction.

« S’il vous plaît, arrêtez ce mur de l’apartheid », a tagué un anonyme de Bethléem, côté pile. Côté face, un gigantesque panneau du ministère israélien du tourisme, frappé des mots « La paix soit avec vous », semble lui répondre. Les écrits sur le Mur sont souvent éloquents. Mais, à Bethléem comme en d’autres villes, le Mur reste souvent vierge, exhibant le gris froid du béton. Avec une différence notable côté ouest : le Mur est bien moins proche des maisons et paraît plus petit aux Israéliens, qui surplombent le fossé issu de la construction.

Les enfants de la banlieue de Jérusalem côtoient étroitement le Mur. À Abou Dis, par exemple, le terrain de football s’étend au pied des remparts. Au sprint sur les gravillons, ou gigotant autour de la balle, les gamins semblent ne plus voir le béton. Jusqu’à ce que le ballon vole malencontreusement par-dessus. Dans ce cas, pas d’angoisse, il sera probablement renvoyé par un autre Palestinien... Jérusalem-Est, la partie arabe de la « ville sainte », se trouve effectivement de facto annexée à Israël par le Mur. C’est pourquoi un riverain a peint une échelle symbolique sur toute la hauteur de la fortification. Histoire sans doute de se sentir plus proche de sa famille.

Les enfants de Qalqilya arpentent eux aussi fréquemment, à pied ou à vélo, les nouvelles limites de leur ville, comme un fauve repère indéfiniment les limites de sa cage. Les abords dévastés du Mur constituent un terrain de jeu à nul autre pareil. Lorsque les bambins croisent un étranger dans le centre-ville – chose rare – ils lui proposent d’emblée de lui montrer « al jedar ». Et le prennent par la main. À l’ombre des fortifications, des cultivateurs dépités soignent ce qu’il reste de leurs champs, amputés par les bulldozers israéliens.

Encerclée, é