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Avec Bourdieu, prolonger la mise en suspens de la domination ! C Delarue

samedi 8 mars 2014, par Amitié entre les peuples

Avec Bourdieu, prolonger la mise en suspens de la domination sexiste !

Ce qui n’empêche pas de s’attaquer à la racine du mal ailleurs ! Bourdieu met en évidence l’ontogénèse individuelle et la phylogénèse collective de cette domination qui perdure à des degré divers certes selon les lieux.

Pierre Bourdieu a écrit en fin de son ouvrage « La domination masculine » (Seuil 1998) un « Postcriptum sur la domination et l’amour qui a été remarqué . Il s’agit ici d’insister ! Si dans le monde hétérosexuel dominant, la domination sexuelle est la règle il est à souligner que cette domination cesse avec l’amour fort, avec »l’amour pur" dit Bourdieu. Les femmes donnent beaucoup de bonheur aux hommes et l’inverse aussi est vrai. C’est une expérience marquante, qu’elle dure quelques mois ou quelques années mais pourtant ses vertus sont banalisées au profit de l’amour institutionnalisé plus du côté de la routinisation, de ses normes, avec cependant son cortège maintenu de violences ou de dominations cachées. Alors que l’amour fort donne l’expérience marquante de la réciprocité et de la reconnaissance mutuelle. Il faudrait sans doute s’en souvenir beaucoup plus. Bien plus pour une perspective émancipatrice !

Que dit Pierre Bourdieu p 117 : Pour lui, l’amour pur (sans routinisation) et l’amitié opèrent une sorte de trêve miraculeuse, une mise en suspens des rapports de force entre les sexes ou la domination semble dominée ou, mieux annulée, et la violence virile apaisée. Les femmes civilisent (en général, pas toujours) les rapports humains en les dépouillant de leur grossièreté et de leur brutalité. C’est que l’amour est ce monde clos et parfaitement autarcique qui est le lieu continué d’une série de miracles ; celui de la non violence, que rend possible l’instauration de relations fondées sur la pleine réciprocité et autorisant l’abandon et la remise de soi ; celui de la reconnaissance mutuelle, qui permet, comme dit Sartre, de se sentir « justifié d’exister », assumé jusque dans ses particularités les plus contingentes ou les plus négatives, dans et par une sorte d’absolutisation arbitraire de l’arbitraire d’une rencontre (« parce que c’était lui, parce que c’était moi ») ; celui du désintéressement qui rend possible des relations désintrumentalisées, fondées sur le bonheur de donner du bonheur, de trouver dans l’émerveillement de l’autre, notamment devant l’émerveillement qu’il suscite, des raisons inépuisables de s’émerveiller.

Ne faudrait-il pas s’en souvenir beaucoup plus et faire ce qu’il faut, à destination des jeunes et des autres, pour en permettre l’accès de façon civilisée et non par du « harcèlement de rue » grossier et sexiste. Evoquer une philosophie de la séduction parait nécessaire : une philosophie plus qu’un corps de techniques de « drague ». Autre chose encore : Une fois l’amour amoindri, il devrait être possible de passer de l’amour déclinant à l’amitié. Ce qui gêne en pratique, on le sait, c’est la discordance des affects, l’un est disposé à quitter froidement, l’autre est encore sensible et attaché. Néanmoins, conserver les signes de respect du bonheur passé tout en s’ouvrant éventuellement à un bonheur nouveau, qu’il soit petit ou grand, est un enjeu de civilisation. La civilisation est ici ce qui fait reculer les rapports de domination, de mépris. La civilisation se rattache aux signes de reconnaissance, aux marques d’amitié maintenue, hors de toute référence à ce qui institutionnalisé.

Christian DELARUE

Cf « Amour faible et amour fort. »

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article3974