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Antiracisme colorblind ou colorblindness : réponses à critiques et préjugés. C Delarue

lundi 13 mars 2017, par Amitié entre les peuples

Antiracisme colorblind ou colorblindness : réponses à critiques et préjugés.

L’antiracisme dit colorblind ne voit pas les couleurs mais il sait que les discriminations racistes existent et il les combat. Militant antiraciste au MRAP j’ai été longtemps militant colorblind (sans même connaitre ce terme dont l’usage est récent en France) mais on voit bien que « çà bouge ». Pourtant...

L’antiracisme dit colorblind, en général, ne parle pas de « race » mais de racisme et de discriminations racistes et ce racisme relève tout à la fois d’une idéologie plus ou moins construite et d’une pratique d’exclusion et d’infériorisation de l’autre, différent. Pour une conception en termes de rapports sociaux de domination à partir des théorisations de Pierre Tévanian on peut lire utilement la contribution d’Alice Picard dans l’ouvrage inter-associatif « Urgence antiraciste : Pour une démocratie inclusive » (éditions du croquant mars 2017) : "La lutte contre le racisme anti- Arabe, anti-maghrébin et l’islamophobie : un impératif égalitaire.

Ces discours et pratiques peuvent être d’ordre global ou se couple un mépris de classe avec un « effet ethno-séparatiste » (territoires ou espaces différents et séparés) ou au contraire d’ordre sectoriel, c’est à dire limité à un champ précis d’activité. Citons : l’entrée en boite de nuit, le contrôle policier, le recrutement à l’emploi, la demande locative pour s’installer en appartement, etc. Un certain discours policier de l’interpellation pourra produire des pratiques racistes de contrôles au faciès. Un certain discours managérial de recrutement pourra choisir préférentiellement des « travailleurs BBR » en fonction des noms et prénoms et d’exclure par exemple les candidats avec forte présence spontanée de mots en verlan ce qui va d’ailleurs au-delà de l’exclusion raciste pour cibler un discriminant de classe ou un mépris de classe car il faut bien distinguer le verlan anodin du verlan sexiste (stigmatisation des meufs trop ceci pas assez cela) ou du verlan judéophobe (ou islamophobe). Il y a un verlan intégriste religieux sexoséparatiste.

Mais le colorblind ne signifie pas automatiquement, selon une compréhension très juvénile, « que l’on refuse de voir les problématiques liées au racisme à savoir les discriminations à l’embauche, au logement et aux loisirs, les contrôles au faciès, etc. ». Ni que l’on porte un regard superficiel et bisounours sur la société.

D’ailleurs reconnaître l’existence de « races socialement construites » construites comme issues de la suprématie blanche et de l’infériorité « naturelle » des racisé-e-s est ne conduit pas nécessairement à la reconnaissance du racisme systémique et à un combat pour l’égalité, celui qui renforce un humanisme émancipateur. Il peut s’agir d’un combat race contre race, identité contre identité, communauté contre communauté, camp contre camp. On ne sort alors plus du piège racialiste, culturaliste, communautariste, campiste. On s’y enferme.

Luttons contre les discriminations racistes sus-relatées et un grand pas sera fait. Et n’oublions pas notre histoire coloniale et ses séquelles. Plus de 50 ans après la fin des colonies, la mentalité coloniale perdure encore avec l’idée que le colonialisme pourrait avoir sa face positive (ben voyons !), ou que les africains ou les maghrébins auraient besoin « d’aides » pour « accéder à l’histoire », à la démocratie et à l’émancipation. Si l’impérialisme cessait, ce serait un bon pas.

Christian DELARUE