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Aminata Traoré, une femme dangereuse ? N M’Dela-Mounier (MRAP 35)

mercredi 24 avril 2013, par Amitié entre les peuples

Aminata Traoré, une femme dangereuse ?

C’est avec stupéfaction puis colère que j’ai appris comment Aminata Dramane Traoré était devenue persona non grata sur le territoire français ; et par extension verbale et géographique sur l’ensemble du territoire Schengen. L’insanité d’une telle décision et le silence médiatique qui l’a enterrée m’ont laissé peu de temps sans voix . Invitée par une association à présenter une exposition photographique sur le thème de l’exil, que j’avais préfacée, et par un bar de campagne, où nous aurions pu aller ensemble parler du Mali et de l’Afrique, j’ai expliqué pourquoi Aminata, ne viendrait pas. La déception mais aussi l’incompréhension puis la colère étaient palpables.

Parce qu’elle n’avait pas jappé avec les chacals, elle avait déjà était mise à l’index, considérée comme étant presque traître à ce Mali qu’elle aime et défend pourtant depuis tant d’années, comme elle défend un humanisme nécessaire à réinventer « maa folo ! »

Comme nous l’avons déjà écrit dans L’Afrique mutilée, sous les mots dits, il faut trouver les véritables intentions. . . Dans le pays de Montaigne qui écrivit que « le vrai reflet de nos discours est le cours de nos vies », que reproche-t-on à cette femme qui, plus qu’un simple tribun politique, écrit, partage et vit ses discours au quotidien, ce que d’aucuns dans notre gouvernement pourraient certainement lui envier ?

Car quand on l’accuse d’avoir soutenu le coup d’Etat – ce qu’elle n’a jamais fait –, il faut comprendre qu’on lui reproche d’en avoir refusé une condamnation de principe, parce que des explications s’imposaient ; on lui reproche son analyse de la situation malienne qui ne correspond pas à celle du gouvernement français, et pour cause ! ; on lui reproche son rejet de l’intervention militaire telle qu’elle a été faite et qui procède d’une démarche dont le moins que nous puissions dire et qu’elle est suspecte ; on lui reproche de s’élever contre la volonté de ce même gouvernement de faire procéder à des élections rapides, en en décidant dates et déroulement. (Et probablement les résultats, si on s’intéresse un peu aux éminentes personnalités maliennes, quasi adoubées, reçues au Parlement européen à Bruxelles ces dernières semaines, et à celles qui n’ont pas eu l’heur de plaire ou même d’avoir le droit de s’y rendre…)

Il y a fort à parier que si nous laissons faire, ici et là-bas, d’ici peu, on ne se contentera plus d’assigner Mme Traoré à résidence en lui cherchant des poux dans la tête, le temps viendra où ses idées seront considérées comme des armes de destruction massive et qu’elle deviendra la femme à abattre, empêcheuse de corrompre en rond, coupable d’inciter au marronnage ne serait-ce que par la pensée !

Le Mali n’est pas une extension sahélienne de la France. C’est un pays en souffrance mais qui, comme tous ses habitants, a le droit au respect ; et à sa souveraineté. En France, le droit de parole et d’expression, celui de circuler sont mis à mal par notre pays qui bafoue de plus en plus la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme nous le constatons chaque jour passé au côté des migrants qui sont les premiers à en faire les frais.

Aminata Dramane Traoré n’est pas une femme dangereuse mais une femme en danger, comme l’est notre démocratie ! Et si nous nous taisons, nous sommes déjà morts.

Nathalie M’Dela-Mounier, le 23 avril 2013.
MRAP 35