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Altermondialisme comme néo-gauchisme. Christian DELARUE

dimanche 18 mars 2018, par Amitié entre les peuples

Altermondialisme comme néo-gauchisme

A écouter ce jour Jean-Pierre Le Goff (1), sociologue se disant « conservateur dans le cadre de la modernité » , le néo-gauchisme est la suite du gauchisme soixante-huitard mais moins au plan social (combat contre les inégalités pour un autre monde non capitaliste-productiviste) qu’au plan sociétal car c’est le « gauchisme culturel » qui a gagné ! Ce « gauchisme sociétal » est pour la liberté des moeurs sexuelles, des sexualités diverses mais contre la prostitution, contre les intégrismes religieux (sans que ce soit central comme je le vois parfois).

Gauchisme culturel

Dans "Briser l’influence du gauchisme culturel » il semble critiquer la gauche de « couverture des intégrismes religieux « mais aussi semble-t-il (car le discours est codé) les antiracistes qui critiquent E Valls . Le flou est conservé . Il écrit : « La gauche devrait expliquer de façon cohérente et crédible le sens qu’elle donne désormais à la République face aux groupes de pression qui font valoir leur particularité ethnique, communautaire ou religieuse en considérant la laïcité comme discriminatoire. » De qui parle-t-il ? De l’UOIF ? D’autres groupes ? C’est très imprécis. Mais ce type de langage codé est bien saisi de certains.

C’est ailleurs que l’on trouve la réponse :

Exemple ? L’islam ! « Les questions portant sur la séparation du pouvoir politique et de la religion, sur la place de la femme dans la société doivent pouvoir être abordées sereinement. Nos principes républicains impliquent, par exemple, de ne pas céder ni sur le port du niqab dans l’espace public ni sur le refus de consultation de médecins masculins pour les femmes. En fait, le problème ne doit pas être l’islam mais ce que nous jugeons compatibles ou non avec les valeurs de nos sociétés démocratiques. »

in Le « nouvel air du temps » par Le Goff - La revue de presse - Actualité - Liberté Po

Le fil d’une transmission

Le gauchisme de 68 n’aurait pas dépassé massivement 1973 (selon lui). En 1974 c’est VGE qui prend le pouvoir et en 81 c’est au tour de F Mitterrand (qui n’est pas gauchiste comme chacun sait). Va subsister un petit courant historique porteur d’un « gauchisme » trotskyste tout à la fois pro-socialiste et « culturel » : la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire) d’ Alain Krivine et de Daniel Bensaid . La LCR a grosso modo maintenu son trotskisme avec A Krivine jusqu’au années 89-91 (fin du campisme) avant de passer à un contenu moins léniniste et plus libertaire (R Luxembourg), surtout plus nettement avec O Besancenot. Nombre de trotskistes (de la LCR notamment) sont donc passés du « marxisme révolutionnaire » à l’altermondialisme ( celui d’ATTAC 1998 & CADTM 1990) . Car l’altermondialisme relève du néo-gauchisme pour JPLG.

Exemple : C’est quoi « l’autre monde possible et nécessaire » demande-t-il en classant ce slogan dans l’utopie. Dans la formule il y a pourtant des pistes concrètes mais aussi des perspectives qui s’en détachent. Et notre sociologue tient à rester avec du réel. Mais il conviendrait de ne pas prendre certains phénomènes économiques, comme la concurrence par exemple, comme un réel quasiment intangible et « naturel », ce que font certains libéraux qui se montrent aussi des conservateurs d’un ordre très hiérarchisant et très inégalitaire.

Il glose pareillement sur le terme néolibéralisme, que l’on explicite pas à chaque emploi : lire Bourdieu et depuis les altermondialistes comme M Husson ou Dardot & Laval ou etc...

Ce qui reste

Dans l’altermondialisme, on trouve deux branches (si on laisse de côté une troisième qui évoque les « alternatives » (au pluriel) et la priorité au local en délaissant le global) qui tendent à ouvrir des perspectives hors du système et pouvant être qualifiées de néo-gauchisme :

1) l’une de type autogestionnaire, critique du citoyennisme de conquête de l’Etat. On évitera l’appropriation publique pour aller d’emblée vers la socialisation comme celle des banques (Eric Toussaint du CADTM , ex dirigeant trotskyste) ;

2) l’autre de type écosocialiste mais sur la base de l’Etat à transformer. Ici, comme il le remarque (de façon péjorative car il fait semblant de ne pas comprendre), l’ Etat est tout à la fois très critiqué mais aussi très défendu et maintenu comme perspective d’une alternative systémique. C’est pourtant assez simple à expliquer.

Il y a là ici, outre les convergences syndicales, une double influences idéologiques, outre celle du mouvement ouvrier français (République sociale de Jaurès) : d’une part celle de Gramsci avec sa contradiction intra-institution à exploiter (idem pour les élites jusqu’à un certain point : division du « eux ») et d’autre part celle de Bourdieu et sa « main gauche » de l’Etat qui permet tout à la fois 1 - de critiquer fortement l’ Etat d’exception ou l’ Etat néolibéral (entendez celui de la financiarisation - cf Michel Husson ) celui d’appropriation privée et de marchandisation et in fine de casse des services publics et des statuts protecteurs) et 2 - de défendre l’Etat social, lequel Etat social peut déboucher - perspective utopique typiquement néogauchiste (pour lui) - sur un Etat socialiste ou écosocialiste et une autre société laïque et pluraliste ou les logiques capitalistes ne sont plus dominantes. Rien d’ « extrême » ! Mais certainement beaucoup plus que l’acceptation de l’ordre actuel par la gauche issue du PS ! Un ordre qui bouge, contre-réforme après-contre-réforme, mais toujours vers le mauvais sens : plus de fragilisation, plus de précarité, plus d’inégalités sociales au profit du 1% d’en-haut.

Christian DELARUE

1) « Les nouvelles radicalités »JEAN-PIERRE LE GOFF (1) - vidéo Dailymotion

https://www.dailymotion.com/video/xagtpf

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/10/24/briser-l-influence-du-gauchisme-culturel_3501777_3232.html

http://www.libertepolitique.com/Actualite/La-revue-de-presse/Le-nouvel-air-du-temps-par-Le-Goff