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Acculturation, assimilation, intégration, insertion - Définitions scientifiques de départ et débat

dimanche 21 décembre 2008, par Amitié entre les peuples

Acculturation

On constate une nette distinction, en terme de définition de l’acculturation, selon que l’on se place du point de vue de la psychologie sociale d’une part, ou du point de vue de l’anthropologie et de la sociologie d’autre part.

En effet, du point de vue de la psychologie sociale, l’acculturation désigne le processus par lequel un individu fait l’apprentissage et intériorise les valeurs et les normes du milieu auquel il appartient, milieu qui influence de ce fait ses manières de penser et d’agir. Vu sous cet angle, l’acculturation ne se différencie pas du terme de socialisation. Les « individus sont adaptés à leur société et à leur culture ; ils sont » socialisés « ou, pour mieux dire, » acculturés ".

Selon la psychologie sociale, l’acculturation ne se fait ni par le biais d’une pression exercée sur l’individu par son milieu d’appartenance, ni par celui d’une activité spontanée d’imitation passive. C’est au contraire un processus qui s’opère par le biais de l’éducation ainsi que dans le cadre de l’expérience de la vie quotidienne. En tous les cas, l’individu, de manière inconsciente, y prend une part active en observant, interprétant, assimilant pour reproduire, par le biais d’instruments culturels déjà possédés tel le langage.

« L’acculturation ne rend évidemment pas tous les individus identiques…il existe des traits spéciaux qui correspondent à diverses situations et statuts (comportements féminins, juvéniles,…) et des traits optionnels par où s’exprimeront les individualités. Cet ensemble détermine un vaste domaine de conduites dans lequel, avec des variations individuelles maintenues à l’intérieur d’une certaine marge, la majorité des individus se comporte d’une manière qui est compatible avec les exigences de la culture de cette société. Cependant, il existe partout des variations individuelles qui dépassent les limites admises par la culture comme la frontière du » normal « . Les individus qui franchissent ces frontières sont des » déviants sociaux ".

D’un tout autre point de vue, l’anthropologie culturelle, définie l’acculturation comme le processus à l’œuvre lorsque deux cultures se trouvent en contact et agissent et réagissent l’une par rapport à l’autre. Cette notion apparaît à partir du moment où, du fait de l’expansion occidentale, certaines populations d’autres cultures se trouvent immergées au sein des sociétés occidentales. On considère l’anthropologue G.W.Powell comme l’inventeur, en 1880, de cette notion pour rendre compte des transformations culturelles des immigrants dans la société américaine.

Cette notion devient concept scientifique en 1936 dans le Mémorandum de Redfield, Linton et Herkovits qui le définissent comme l’ « ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types culturels de l’un ou des autres groupes ». C’est donc l’anthropologie nord-américaine qui va la première permettre l’élaboration d’une théorie de l’acculturation, notamment en mettant en lumière, dans la construction idéale-typique du processus d’acculturation, 3 étapes du processus :.

* opposition à la culture dominante
* sélection des traits offerts par la culture dominante (certains traits sont acceptés pour former la nouvelle culture, alors que d’autres sont refusés)
* assimilation OU contre-acculturation (la culture menacée de disparaître, dans un dernier élan de survie, veut restaurer le mode de vie antérieur au contact)

De la même façon, l’anthropologie culturelle a mis en lumière un certain nombre de concepts attenants au processus d’acculturation :

* « réinterprétation » (processus par lequel d’anciennes significations sont attribuées à des éléments nouveaux ou par lequel de nouvelles valeurs changent la signification culturelle de formes anciennes )
* « foyer culturel » (fait que les intérêts du groupe tendent à se concentrer sur un aspect déterminé de la culture )
* « tendance culturelle » ( la sélection des traits de la culture donneuse par la culture preneuse se fait selon une direction déterminée, en suivant la pente que fixe la culture preneuse )

Naturellement, la théorie de l’acculturation a suivi les progrès de l’anthropologie culturelle au cours de son histoire, notamment dans le cadre de la réélaboration du concept de « culture ». En effet l’anthropologie culturelle a longtemps attribué un caractère statique au concept de culture ainsi appréhendée comme réalité extérieure et supérieure aux individus. Cette vision de la culture a d’ailleurs pesé sur notre manière de se représenter une culture comme une entité distincte et séparée des autres par des frontières bien nettes, un monde clos dont le contact avec d’autres cultures viendrait en altérer la pureté originel. Au fur et à mesure des avancées théoriques de l’anthropologie culturelle, le concept de culture est devenu au contraire un concept dynamique et mouvant : ce ne sont plus des cultures comme réalité extérieure et supérieure s’imposant aux individus qui sont en contact mais des individus en interaction, réagissant différemment au contact d’autres individus porteurs d’autres cultures.

L’acculturation devient donc un processus dynamique permanent à partir du moment où il y a contact entre groupes humains.

Le point de vue de la sociologie / anthropologie sociale :

Finalement, dans le cadre de la redéfinition du concept de culture, l’anthropologie culturelle nord-américaine a mis en évidence qu’il n’y avait pas de cultures en contact, appréhendées comme réalité extérieure aux individus mais au contraire des individus, porteurs de cultures différentes. L’anthropologie et la sociologie européennes vont plus loin dans l’analyse en soulignant que ces individus en contact s’inscrivent eux-mêmes dans un cadre de relations sociales vaste (ils s’inscrivent dans des réseaux de communication, appartiennent à des institutions, à des groupes sociaux, une ethnie, une génération,…) qui influence leurs conduites culturelles et du même coup, le contact avec une autre culture n’a pour ces individus ni les mêmes significations, ni les mêmes incidences. Ainsi l’analyse du processus d’acculturation doit être replacée à ce niveau que Roger Bastide appelle « les cadres sociaux de l’acculturation » et dont il a fait une typologie.

Roger Bastide développe une vision optimiste et dynamique de l’acculturation. En effet, l’acculturation ne produit pas nécessairement des êtres décalés, hybrides et marginaux dans la mesure où les immigrés, grâce au « principe de coupure » (découpage de l’univers social en « compartiments étanches » dans lesquels ils s’engagent sans que ces « participations » d’ordre différent ne leur apparaissent contradictoires) peuvent tirer parti de la complexité du système social et culturel pour s’inscrire dans un processus de reconstruction culturelle.

Ainsi, pour Bastide, toute culture se définie comme un processus permanent de structuration, déstructuration, restructuration.

Bien entendu « Bastide ne nie pas que, dans certains cas, la déstructuration est si importante qu’elle n’arrive pas au stade de la restructuration. Dans ce cas, il reste des fragments de la culture d’origine et seulement quelques apports de la culture dominante. Dans ce cadre, il ne se produit pas de liaison structurelle entre eux ; les personnes sont donc perdues et développent des pathologies mentales ou des pratiques délinquantes. Cependant, dans la plupart des cas, la déstructuration n’est que la première phase du processus de reconstruction culturelle. »

Bibliographie :

R. Bastide, Acculturation, In : Encyclopedia Universalis, vol.1, pp.114-119

J.Stoetzel, La psychologie sociale, Paris : Flammarion, 1963, pp.59-71

G.Ferréol, Dictionnaire de sociologie, Paris : A.Colin, 1991, pp.253-254

M.Boucher, Les théories de l’intégration : entre universalisme et différentialisme, Paris : L’Harmattan, 2000, pp.30-37

J.Demorgon, E-M.Lipiansky (dir.), Guide de l’interculturel en formation, Paris : Retz, 1999, pp.195-206

Assimilation, insertion, intégration

Introduction : l’anthropologie culturelle et la sociologie ont largement contribué à une meilleure compréhension du processus qui consiste, pour un individu ou un groupe n’ayant pas la même culture que la culture dominante (celle de la société d’accueil) à s’adapter à ce nouveau milieu. Nous proposons donc, dans une 1re partie intitulée « Éclairages théoriques », une synthèse de ce que ces deux disciplines ont su mettre en lumière.

Mais il est également important de souligner que pour désigner ce même processus, trois mots ont été utilisés successivement dans le discours politique : assimilation, insertion, intégration. Nous tentons donc dans une 2e partie intitulée « Débat politique » de rendre compte de cette évolution du langage dans le débat politique en France.

Éclairages théoriques :

Du point de vue de l’anthropologie culturelle, l’assimilation constitue la dernière phase du processus d’acculturation. L’assimilation est alors la disparition de la culture d’origine, qui accepte intégralement les valeurs de la culture du milieu d’accueil, ce qui se produit en général dans le cas des immigrés de la 2e génération mais qui ne se produit jamais de manière complète.

Du point de vue de la sociologie, les travaux de l’École de Chicago d’un côté, ceux d’Émile Durkeim de l’autre constituent la base théorique permettant d’éclairer le processus d’assimilation en répondant à cette question : comment un individu ou un groupe social n’ayant pas la même culture que le groupe dominant, peut-il néanmoins s"assimiler ?.

Du point de vue de l’École de Chicago, la 1re étape du processus consiste dans la reconstruction d’un nouveau « groupe ethnique » original par les immigrants, par le développement des sociabilité locale vigoureuse, groupe qui va jouer paradoxalement un rôle décisif de médiation pour l’adaptation des immigrés à leur nouvel environnement. Le processus d’assimilation se découpe ensuite en 4 étapes, définies par R. Park et E. Burgess ;) :

# la rivalité (concurrence)
# le conflit (prise de conscience de la rivalité)
# l’adaptation (ajustement des individus et du groupe aux situations sociales créées par le conflit)
# l’assimilation (par laquelle s’opère la fusion entre l’individu ou le groupe et la société d’accueil ; par laquelle « des individus et des groupes acquièrent les souvenirs, les sentiments et les attitudes d’autres individus et d’autres groupes et, en partageant leur expérience et leur histoire, sont associés à eux dans une vie culturelle commune »).

Pour Park, l’assimilation est alors finalement « le processus ou les processus par lesquels des peuples de diverses origines raciales et de différents héritages culturels, occupant un territoire commun, parviennent à mettre en place une solidarité culturelle suffisante pour réaliser au moins une existence nationale. La compréhension commune en la matière veut qu’un immigrant soit assimilé dès qu’il montre qu’il réussit dans le pays. Cela implique, entre autres, qu’en tout ce qui concerne les aspects ordinaires de la vie, il est capable de trouver une place dans la communauté sur la base de ses mérites individuels, sans référence dévalorisante ou valorisante à ses origines ou à son héritage culturel. L’assimilation peut, dans un certain sens et dans une certaine mesure, être décrite comme une fonction de visibilité. Dès que l’immigrant n’exhibe plus les marques qui l’identifient comme membre d’un groupe étranger, il acquiert par ce fait, le réel (à défaut du légal) statut du natif… ».

Du point de vue de la sociologie d’Émile Durkheim, c’est l’État qui, par le biais de l’école comme vecteur de transmission culturelle, joue un rôle central dans le processus d’assimilation (Durkheim préfère parler d’intégration) des immigrés dans la mesure où l’avènement des sociétés industrielles et nationales a transformé la nature du lien social et étendu le cadre des relations sociales qui auparavant se déroulaient au sein de petits groupes ancrés au niveau local et à l’intérieur desquels la transmission culturelle se faisait de façon directe, notamment dans le cadre des relations parents-enfants. Alors qu’aujourd’hui " l’individu n’est plus socialisé par le biais de ses attaches primaires, mais par la position qu’ils occupent à l’intersection de multiples fils qui se relient à l’État, par la fonction qu’ils occupent dans la division du travail social.

Débat politique :

Dans la mesure où, en 20 ans, nous avons assisté en France, à une transformation du caractère économique de l’immigration provisoire de main d’oeuvre à une migration de famille et où nous sommes donc passé d’une immigration de passage à une immigration de peuplement, l’immigration est devenue un enjeu politique important et un objet de conflit. Trois mots ont été successivement employés dans le cadre du débat politique : assimilation, insertion, intégration. L’emploi de tel ou tel terme traduit une certaine conception de la société, du rapport à l’ « autre », cet étranger prétendu tel ou vécu comme tel, et traduit de ce fait la nature de l’acceptation de cet « autre » et de sa reconnaissance comme acteur de la société.

Du Latin assimilare, de simili, « semblable », l’assimilation désigne, en ce qui concerne l’immigration, le processus par lequel un ensemble d’individus issus de l’immigration se fond dans un nouveau cadre social et culturel. Elle impliquerait donc le renoncement, la disparition de la culture d’origine et du même coup une absorption de la personnalité au sein de la société d’accueil. Le nouveau venu est assimilé par elle comme un aliment est assimilé par un organisme.

Depuis les années 70 en France, le terme « assimilation » est devenu tabou dans la mesure où vouloir assimiler, c’est vouloir imposer les normes de la culture dominante, c’est éradiquer les cultures particulières au nom d’une homogénéisation. La notion pris donc une connotation négative et apparurent alors les terme d’insertion et d’intégration.

Au début des années 80, le terme insertion est à l’honneur. Du latin inserere, signifiant introduire, il signifie trouver sa place dans un ensemble. Il renvoie à un État qui ne s’engage que socialement (scolarisation, protection sociale, emploi, logement) et qui n’intervient pas dans la vie privée. « L’insertion sociale et culturelle des quarte millions d’étrangers installés en France est une action de longue haleine. Elle commence par l’alphabétisation, l’éducation, la formation, le logement, les services sociaux, la culture, l’information. ». Tous les textes législatifs emploient donc « l’insertion sociale des immigrés » et la priorité à l’insertion s’affiche dans les missions du Fonds d’Action Sociale (F.A.S.).

Depuis les années 90, l’insertion a été abandonnée au profit d’une politique d’« intégration ». Du latin integrare signifiant rendre entier, action de faire entrer une partie dans le tout. Le terme d’intégration a été consacré officiellement par la création simultanée, en 1989, du Haut Conseil à l’Intégration (H.C.I) et du secrétariat général à l’intégration. Le H.C.I définit le terme d’intégration dans l’un de ces rapports comme « un processus spécifique par lequel il s’agit de susciter la participation active à la société nationale d’éléments variés, tout en acceptant la subsistance de spécificités culturelles, sociales et morales, en tenant pour vrai que l’ensemble s’enrichit de cette variété et de cette complexité. ». L’intégration passe par cinq vecteurs essentiels : le statut juridique, la formation, l’emploi, le logement, l’insertion sociale et culturelle, la participation à la vie sociale. L’insertion ne devient donc plus que l’un des volets de la politique d’intégration.

Selon les pays et les contextes, le contenu donné au terme d’intégration n’est pas le même. On oppose notamment le modèle anglo-saxon communautariste au modèle français républicain. Dans le modèle anglo-saxon, l’intégration passe par le groupe qui fait ainsi l’objet de mesures spécifiques dans le cadre de l’ « affirmative action » (traduit en français par « discrimination positive », qui vise à accorder à certains groupes un traitement spécifique ayant pour finalité de rétablir une égalité des chances compromise par le creusement des inégalités socio-économiques et les pratiques racistes ou sexistes). A l’inverse, l’intégration à la française est un processus individuel excluant l’idée de traitement communautaire. Au nom de la lutte contre la fragmentation de la nation et de l’éclatement de la société, il s’agit, pour le nouvel arrivant, d’abandonner les valeurs de sa culture d’origine pour s’approprier celles de la nation française.

Bibliographie :

M.Boucher, Les théories de l’intégration : entre universalisme et différentialisme, Paris : L’Harmattan, 2000, pp.37-60

S.Beaud, G.Noiriel, L’ « assimilation », un concept en panne, In : Les cahiers de la recherche sur le travail social, n°18/90, 1990, pp.9-33

F.Gaspard, Assimilation, insertion, intégration : les mots pour « devenir français », In : Hommes et migrations, n°1154, mai 1992, pp.14-23

A-M.Gaillard, Assimilation, insertion, intégration : un état des connaissances, In : Hommes et migrations, n°1209, septembre-octobre 1997, pp.119-130

Penser l’intégration, In : Sciences Humaines, n°96, juillet 1999, pp.24-25

J.Costa-Lascoux, De l’assimilation à l’intégration, In : Toute la France : histoire de l’immigration en France au XXe siècle, Paris : Editions d’Art Somogy, 1998

P.Broudic, La notion d’intégration, In : Echanges santé-social, n°84, décembre 1996, pp.6-7
Racisme

Définition de base : Ensemble d’idées, d’attitudes et de comportements, individuels ou collectifs :

* qui opèrent une discrimination et une hiérarchisation entre des groupes humains en s’appuyant sur la croyance en des différences raciales ou biologiques présumées

* consistant à réduire autrui à un caractère identitaire considéré comme spécifique, et du même coup comme « inférieur » et/ou nuisible et à légitimer à partir de ce pseudo-constat une entreprise de marginalisation, d’exclusion, voire de destruction de la personne d’autrui et de sa communauté d’appartenance.

« Depuis la Seconde Guerre mondiale et les découvertes des atrocités nazies, peu nombreux, aujourd’hui, sont ceux qui revendiquent, de manière stricte, l’inégalité biologique des races ; en revanche, le néo-racisme se développe en dévalorisant certains groupes humains, jugés différents et fondamentalement inégaux. Dans ce cadre, la culture est jugée héréditaire ; elle n’est pas associée à un processus historique et à une dynamique de changement. »

Du point de vue de la psychologie sociale :

S’interrogeant sur les origines psychologiques du racisme, la psychologie sociale aborda d’abord cette question sous l’angle de la personnalité du raciste, au travers de l’ouvrage de T.W.Adorno, E.Frenkel-Brunswik, D.J.Levinson et R.N.Sanford., The Authoritarian Personality (1950) qui constitue un classique dans ce domaine. Ainsi, il existerait une personnalité particulière appelant au racisme, la personnalité autoritaire, dont un portrait est dressé par les auteurs : un individu qui se maîtrise fortement, nie ou refoule ses propres besoins, ses désirs honteux, prétendant que les impulsions immorales sont toujours le fait des autres. La personne autoritaire adopte une façon rigide et stéréotypée de penser, elle a été élevée dans un environnement familial strict, exigeant une obéissance pleine de respect et a été de ce fait soumise à une forte pression psychologique (elle devait traiter ses parents comme un modèle de bonté alors même qu’ils étaient souvent froids et exigeants) l’amenant à refouler ses ressentiments envers ses parents pour les diriger vers de nouvelles cibles qui deviennent ainsi des boucs émissaires.

Cette théorie de l’autoritarisme a été critiquée sur le plan méthodologique et du même coup réexaminée par des chercheurs tels que Bob Altemeyer, psychologue canadien. Mais il est surtout important de souligner qu’une telle théorie se limite à nous éclairer sur une forme très particulière et extrême du racisme, le fascisme, et ne peut donc pas nous permettre d’appréhender l’étendue, la subtilité et la diversité des formes de racisme où le lien entre personnalité et racisme est absent. Ces formes de racisme nécessitent donc d’autres modes d’explication.

Dans cette optique, la psychologie sociale, à travers la recherche de Thomas Pettigrew, souligne l’importance des facteurs culturels. Ainsi, les gens vivant dans un environnement baigné de préjugés et de pratiques racistes, y compris sur le plan historique, sont présupposés devenir racistes sans que leur personnalité n’intervienne. Certaines formes de racisme peuvent donc exister en dehors de sentiments et d’émotions violents censés être sous-jacents aux réactions des individus autoritaires. Ces formes de racisme seraient au contraire le fruit d’une tendance à qualifier les groupes sociaux en usant de stéréotypes socialement partagés, communs à une culture (ex : les « Noirs » sont « paresseux », les Turcs sont « querelleurs »….), et passant de la vie de tous dans la vie de chacun, du niveau conscient au niveau inconscient. Dans cette optique le racisme n’est finalement plus appréhendé comme relevant de la psychologie individuelle mais comme un phénomène sociologique.

Du point de vue de la sociologie :

Des auteurs tels que Norbert Elias, Didier Lapeyronnie, Dominique Schnapper, Pierre-André Taguieff, Michel Wieviorka, …ont largement contribué à nous éclairer sur le racisme appréhendé comme phénomène sociologique. Une analyse de ces apports théoriques vous est proposée dans l’ouvrage de Manuel Boucher Les théories de l’intégration : entre universalisme et différentialisme, Paris : L’Harmattan, 2000, pp.129-185.

Dans le cadre de cette rubrique, nous vous proposons une synthèse des grandes lignes de cette analyse :

Norbert Elias apporte un éclairage important concernant le phénomène du racisme dans le cadre de l’élaboration de sa théorie des rapports entre « groupes établis » (« The established ») et « groupes marginaux » (« The Outsiders »), théorie qui permet de comprendre les mécanismes qui conduisent des individus appartenant à la société majoritaire et dominante à exclure et stigmatiser des individus appartenant à un groupe minoritaire. Selon lui, ce phénomène se produit lorsque le groupe établi se sent menacé dans « sa supériorité » par le groupe minoritaire qui aspire à une égalité sociale, légale et économique. L’inquiétude des établis pour leur statut et leur identité fabrique ainsi de l’animosité contre le groupe minoritaire apparaissant comme concurrent potentiel, et les mécanismes d’exclusion et de stigmatisation ainsi mis en œuvre par le groupe établi, par la fabrication de fausses représentations sociales valorisantes de lui-même et dévalorisantes de l’autre groupe, sont autant d’armes pour perpétuer leur identité, affirmer leur supériorité et maintenir le groupe minoritaire à son rang inférieur. « Norbert Elias souligne également que l’assimilation des groupes marginaux dans un groupe majoritaire est d’autant plus facile que celui-ci dispose d’une forte conscience du » nous « . Au contraire, si le groupe majoritaire est constitué de valeurs incertaines, celui-ci est prompt au rejet de l’autre et à l’exclusion. Or, notre société, en quête de sens et de repères, ne tendrait-elle pas à basculer du côté obscur ? ».

Dans le même esprit que Norbert Elias, Didier Lapeyronnie analyse le racisme comme phénomène se déclenchant quand l’ « Autre » devient une menace pour l’identité. « Le racisme consiste alors à se donner –forme- en construisant ou en produisant de l’ » autre-informe «  » . Dans ce contexte, se détacher de l’ « Autre », l’expulser de soi, c’est, d’une certaine manière, se purifier et se construire une identité valorisante.

Selon Pierre-André Taguieff, le racisme, y compris sous sa forme moderne, se nourrit de doctrines fondées sur l’idée de « race ». Mais il faut distinguer l’ethnocentrisme, phénomène universel existant depuis la nuit des temps, du racisme, phénomène moderne né en Europe et aux Amériques entre le Xvème et le XIXe siècle.

Selon Michel Wieviorka, le racisme est un processus par lequel se combinent deux logiques, l’une « universaliste » (s’appuyant sur un processus d’infériorisation de groupes, processus observé notamment dans le cadre de la colonisation) et l’autre « différentialiste » (« se développant au nom de la singularité, du particularisme des » races « et des cultures. Il y a dans ce cas fermeture et incommunicabilité des groupes entre eux »). La combinaison de ces deux logiques conduit à décliner le racisme en quatre pôles : universaliste/universaliste ; universalisme/différentialisme ; différentialisme/universalisme ; différentialisme/différentialisme. (Pour en savoir plus sur la définition de ces pôles, voir l’ouvrage de Manuel Boucher, pp.178-179).

Bibliographie :

M.Boucher, Les théories de l’intégration : entre universalisme et différentialisme, Paris : L’Harmattan, 2000, pp.129-185

P-A.Taguieff, Le racisme, Paris : Flammarion, 1997, pp.57-71 (coll. Dominos, n°151)

Racisme, In : Grand dictionnaire de la psychologie, Paris : Larousse, 1991, pp.640-641

M.Billig, Racisme, préjugés et discrimination, In : S.Moscovici, Psychologie sociale, Paris : PUF, 1998, pp.451-473


Voir en ligne : http://www.ids.fr/Pluralis/DEF/defi...