Accueil > Autre Europe > Analyses générales (histoire, nature, projet, etc.) > ATTAC France et l’Union européenne, textes choisis.

ATTAC France et l’Union européenne, textes choisis.

mercredi 15 juillet 2015, par Amitié entre les peuples

ATTAC France et l’Union européenne, textes choisis (en juillet 2015).

Rapport d’orientation 2013-2016 :

« À court terme, il faut s’affranchir des règles anti-démocratiques et anti-sociales de l’Union européenne, illustré par la ratification du pacte budgétaire, en œuvrant pour instaurer la souveraineté des peuples, Attac fait tout pour contribuer à construire la résistance européenne aux traités néolibéraux et exiger que les peuples décident directement de leur destin. Nous voulons faire émerger partout un vrai débat public sur les objectifs et les moyens d’une autre construction européenne »

Rapport d’activité prospectif 2014 :

« Le bras de fer qui s’engage en Europe autour de la dette de la Grèce nous mène à renforcer notre campagne d’éducation populaire et de mobilisation autour de la dénonciation de la dette illégitime et de l’austérité imposée par les banques. Une première rupture politique nationale, à partir de la Grèce, pourrait permettre de promouvoir l’idée qu’une autre Europe est possible, à condition de rompre avec l’ordre juridique et politique actuel de l’Union Européenne ».

Ouvrage Attac-Copernic « Que faire de l’Europe ? Désobéir pour reconstruire » (LLL, 2014)

"La question européenne n’est pas secondaire : on ne peut pas séparer le projet politique (la satisfaction des besoins sociaux et écologiques) de l’échelle à laquelle ce projet peut raisonnablement être mis en oeuvre, au minimum l’échelle européenne. Nous désobéirons aux règles de l’Europe réellement existante au nom d’une autre Europe, en proposant et en mettant en oeuvre des solutions coopératives et généralisables.

La sortie de l’euro n’est ni une condition préalable, ni une fin en soi. Elle pourrait être, dans les mains d’un peuple désobéissant, une menace ou une arme à n’utiliser qu’en dernier ressort. Elle pourrait aussi être une mesure de représailles de la part de la BCE et des institutions antidémocratique de l’UE contre un ou des peuples qui chercheraient à entraîner d’autres peuples vers une refondation européenne. Cela ne nous effraie pas.

Les oligarchies ont mené le projet européen dans l’impasse actuelle. Ce sera à elles, pas à nous, d’assumer la responsabilité de son effondrement et d’en payer le prix politique.«  »Il serait illusoire de penser qu’on peut sortir de la crise financière, économique et sociale que subissent les peuples européens sans en passer par une crise politique européenne.

Une fois cette crise ouverte, le gouvernement de gauche en question prend alors un certain nombre de mesures unilatérales en expliquant qu’elles ont vocation à être étendues à l’échelle européenne. Il s’agit de mesures unilatérales coopératives, en ce sens qu’elles ne sont dirigées contre aucun pays, contrairement aux dévaluations compétitives, mais contre les intérêts économiques et politiques des oligarchies, et que, plus nombreux sont les pays qui les adoptent, plus leur efficacité grandit. C’est donc au nom d’une autre conception de l’Europe qu’un gouvernement de transformation devra mettre en oeuvre des mesures qui rompant avec les règles actuelles de l’Union. La désobéissance aux traités ouvre une confrontation avec les institutions européennes au nom de l’intérêt de tous les peuples européens.

Par exemple, un établissement financier public, comme, dans le cas français, la Banque publique d’investissement, peut alors demander un prêt auprès de la Banque centrale pour financer les investissements publics, sans passer par les banques privées, comme l’y autorisent formellement les traités (article 123-2 du TFUE). Si la BCE s’y oppose, alors la Banque centrale nationale prêtera directement au Trésor public, en rupture avec les traités européens. On peut aussi activer des modes de financement direct des grands programmes publics par l’État, indépendamment des banques centrales, à l’image du « circuit du Trésor » par lequel le ministère des Finances a largement financé la reconstruction française dans les années 1945-1970, en centralisant la trésorerie des institutions et des banques publiques et en imposant un « plancher de bons du trésor » aux banques privées 1.

Il sera alors possible d’enclencher un programme massif d’économies d’énergie (isolation de l’ensemble du bâti existant, développement des transports collectifs, du ferroutage) et de développement des énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse), ce qui contribuerait en quelques années à alléger fortement la facture des importations d’énergies fossiles et à générer des centaines de milliers d’emplois. On réduira ainsi non seulement les émissions de gaz à effet de serre mais aussi les besoins de l’économie en devises et donc la dépendance vis-à-vis de la finance internationale.

Une telle attitude montrerait concrètement que l’État n’est pas condamné à se financer auprès des banques privées, contrairement à ce qu’a imposé le traité de Maastricht. Elle mettrait les gouvernements européens au pied du mur et les confronterait à leur opinion publique.

Elle encouragerait les peuples à se mobiliser. Un discours résolument proeuropéen, tourné vers la démocratie, la justice sociale et environnementale, trouverait un écho considérable auprès des autres peuples européens et des mouvements sociaux. Cette voie serait d’autant plus crédible et efficace qu’elle s’inscrirait dans une stratégie coopérative partagée par les forces de transformation de plusieurs pays qui s’engageraient à la mettre en oeuvre si elles parvenaient au pouvoir.

Le projet de construction de cette plate-forme commune, de ce pacte pour une autre Europe, serait proposé à l’ensemble des forces progressistes de l’Union, qu’elles soient ou non au gouvernement dans leur pays. Il y a fort à parier qu’en feraient partie d’emblée les pays du Sud, qui pâtissent aujourd’hui le plus des diktats de la Troïka.

Si la France, seconde puissance économique de la zone, sans laquelle rien ne peut véritablement se faire dans l’Union, pouvait contribuer activement à cette initiative, y compris par une véritable alternance gouvernementale, cela en renforcerait considérablement la dynamique.

Certes, l’issue du bras de fer qui en résulterait n’est pas jouée d’avance. Une exclusion forcée du ou des pays rebelles, même si les traités ne prévoient pas cette hypothèse, serait-elle possible ? La Grèce en avait été menacée par les oligarques européens, y compris par François Hollande lui-même lors de son intervention de triste mémoire à la télévision grecque à la veille des élections de juin 2012, en cas de victoire électorale du parti de la gauche radicale Syriza. Un effet domino progressiste pourrait-il gagner d’autres pays qui désobéiraient ? Pourrait-on voir émerger un euro-bis, avec des innovations fiscales et budgétaires, solidaires et écologiques, qui le rendraient viable ? Y aura-t-il un basculement d’ensemble de la zone euro par une refonte des traités ? Débouchera-t-on sur de nouvelles formes de coopération monétaire, par exemple une monnaie commune, et non plus unique, permettant des ajustements de change négociés ? Il ne sert à rien de tirer des plans sur la comète. Tout dépendra des rapports de force qui pourront être construits à l’échelle européenne, et de la vitesse de contagion éventuelle des ruptures politiques d’un pays à l’autre. Même si la participation de l’Allemagne à ce basculement semble dans un premier temps peu probable au vu de la puissance de sa classe dominante, on ne peut exclure a priori cette possibilité, ce d’autant plus que la politique conservatrice du gouvernement Merkel y est déjà contestée.

Si plusieurs gouvernements désobéissent, en prenant appui sur les mouvements sociaux, de grandes campagnes de solidarité pourraient voir le jour à travers l’Europe. En rompant avec l’Europe libérale au nom d’une autre conception de l’Europe, ces gouvernements pourront construire des espaces communs de débat et d’élaboration et choisir des cibles communes pour mener de manière solidaire ces combats. Plusieurs pays pourraient par exemple décider de contrôler, voire de bloquer, les mouvements de capitaux. Ils pourraient également déprivatiser leurs services publics et cesser leur ouverture à la concurrence, développer de nouvelles formes de propriété sociale, etc. Ces initiatives, et l’intense débat politique qu’elles ouvriraient dans toute l’Union, pourraient donner un formidable coup d’accélérateur à la construction d’un espace public européen et, à terme, d’un peuple européen. Les espaces politiques nationaux d’identification et de souveraineté ne disparaîtraient évidemment pas pour autant, mais ils s’articuleraient de plus en plus avec une identité et une souveraineté populaire européennes.

On le voit, des chemins existent entre les deux dogmes qui prétendent figer le débat politique sur l’Union européenne. La désobéissance aux traités européens, évitant à la fois le repli national et le statu quo actuel, permet d’affronter les oligarchies européennes et d’ouvrir des voies nouvelles aux solidarités entre peuples.

(...) Face au désastre programmé par les actuelles politiques d’austérité, la refondation de l’Europe passera par trois processus interdépendants mais pouvant survenir dans des temporalités différentes : l’irruption d’insurrections civiques dans plusieurs pays, le développement à grande échelle des pratiques alternatives de production, de vie et d’action politique, et l’arrivée au pouvoir de majorités porteuses de ces initiatives solidaires, démocratiques et écologiques qui sont autant de manières de dépasser l’austérité. Ce n’est certes pas un chemin pavé de roses, mais les pays qui mèneront la confrontation par la désobéissance aux traités rencontreront le soutien des mouvements sociaux et civiques dans toute l’Europe."