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ATTAC France : Pour la constitution d’une commission Démocratie

mercredi 30 novembre 2011, par Amitié entre les peuples

Pour la constitution d’une commission Démocratie

Atelier Crise de société et alternatives de l’AG d’Attac Rennes nov 2011 : Martine Boudet - Christian Delarue

Texte collectif repris oralement par Martine Boudet.

A la réunion du CA du 22 octobre, dans le cadre du débat sur la mobilisation des Indignés (lire Le troisième âge de la démocratie de Thomas Coutrot), il a été décidé de « repréciser le rôle d’Attac dans la société française. Cela en fonction de la problématique suivante : en complément de la question des alternatives à la domination financière, comment contribuer à la reconquête démocratique des différentes sphères de la vie sociale dont celle des institutions politiques ? Question centrale à débattre et si possible à acter à la prochaine AG. »

I - Contexte socio-politique

A - Néo-libéralisme autoritaire vs mouvements sociaux

La volonté d’hégémonie du système néo-libéral , qui spécule sur les effets de la crise financière née en 2008, s’est traduite dans la dernière période par une atteinte grandissante aux acquis sociaux des peuples-classe européens, à la liberté de circulation et de migration des ressortissants du Sud ainsi qu’à de nombreux droits et libertés individuelles . Cette gestion dite néo-libérale-autoritaire, qui tente de mettre fin à l’Etat–providence et au modèle social correspondant et qui institue une politique systématique de xénophobie d’Etat, s’ « illustre » en France depuis 2007 avec le gouvernement sarkozyste.
De nombreuses mobilisations à caractère social ont eu pour objectif de faire prévaloir les intérêts de la grande majorité des citoyens et des peuples. En France, la grève universitaire de 2009 et la mobilisation en faveur du maintien du régime des retraites en 2010 ont été particulièrement emblématiques. Cela dit, le rapport des forces a été dans ces différents cas défavorable.

B - Gouvernance oligarchique vs soulèvements du monde arabe/mouvement citoyen des indignés

Sous l’effet de la spéculation monétaire et de l’endettement massif des Etats de la zone euro, la dépendance grandissante de ceux-ci à l’égard des marchés financiers inscrit une nouvelle période de crise politique, celle du pouvoir de l’oligarchie politico-financière. A l’échelle des pays du sud, le combat pour la survie économique et les libertés démocratiques, entravées de par la cogestion des autocraties nationales et du FMI, a conduit au soulèvement de nombreux pays des mondes arabe et africain, Tunisie, Egypte, Yémen, Syrie, Lybie Maroc, Burkina-Faso.. .Le renversement des dictatures compradores en Tunisie et en Egypte, dans la période de tenue du FSM de Dakar (février 2011) ouvre la perspective de la démocratisation des relations Nord-Sud. Dans ce sillage et tirant aussi la leçon de l’échec des mouvements sociaux européens, la mobilisation des Indignés née en Espagne constitue une démarche citoyenne et spontanée de refus de la tutelle grandissante des équipes oligarchiques.

A l’échelle de l’Union européenne, suite à l’application générale du TCE (Traité constitutionnel européen) malgré le vote défavorable de peuples (en France, aux Pays Bas, en Irlande), cette politique se manifeste désormais par la mise en place de gouvernements technocratiques en lieu et place des gouvernements élus (Grèce, Italie), par le retour d’un pouvoir de droite par le jeu du bipartisme, dans le pays de naissance des Indignés (Espagne), par l’expulsion manu militari des Indignés des lieux de pouvoir où ils campaient (USA, France, Grande Bretagne)…Comme en Grèce où le peuple a été dernièrement empêché de se prononcer par référendum sur la politique d’austérité imposée par l’UE, et cela lors même de la tenue du G20 (Cannes), les principes traditionnels de la démocratie représentative sont bafoués sous une forme ou une autre. Comme le disent les Indignés : « Vous ne nous représentez pas, nous sommes les 99% ».

Dans le cadre des relations Nord-Sud, avec l’aval de l’ONU, c’est un impérialisme belliciste qui s’impose, récupérant les mouvements des peuples du Sud en faveur de la démocratie et du développement, que ce soit en Côte d’Ivoire, en Lybie, en Syrie…Pour le maintien des pré-carrés occidentaux et de la prédation des richesses locales, en particulier à l’encontre des concurrences venues d’autres continents, les armées sont réquisitionnées, les conflits guerriers occasionnant des dizaines de milliers de morts et des drames nationaux en Côte d’Ivoire et en Lybie.

II - Objectifs de la constitution d’une commission Démocratie

A - Le renforcement de l’altermondialisme comme recours politique

Voir la contribution collective (2009), La démocratie au coeur du combat altermondialiste http://www.france.attac.org/archives/spip.php?article11522

Dans ce contexte, l’altermondialisme, qui constitue l’un des principaux recours idéologiques organisés à l’échelle internationale, a légitimité à renforcer la politisation et la médiatisation de son message à l’intention des peuples et de la jeunesse. Un travail sur les spécificités nationales s’impose par ailleurs, l’impérialisme français se renforçant de manière inquiétante et inversement proportionnelle au démantèlement du modèle social, hérité de la résistance (CNR) : cogestion de la politique européenne avec l’Allemagne, direction renouvelée du FMI (C. Lagarde de l’UMP en remplacement du socialiste DSK), maintien de la Force Licorne en Côte d’Ivoire depuis 2002, direction du conflit militaire également en Lybie… La montée du FN et la réalisation d’une partie de son programme par l’UMP, parti-Etat traduisent cette réalité en termes programmatiques. L’altermondialisme français, qui est à l’origine de la constitution de ce courant aux côtés des mouvements progressistes latino-américains, a légitimité, en se fondant entre autres sur l’ expérience de ces derniers, à traiter des alternatives à la gestion actuelle des affaires publiques nationales, par l’articulation des volets international et intérieur et en collaboration avec des organisations du même champ.

B - La transformation du groupe Démocratie en Commission

Le groupe Démocratie est spécialisé dans les problématiques de philosophie et de droit politique ; son axe actuel de réflexion porte sur les alternatives en termes de démocratie représentative, spécialement en France.
http://www.france.attac.org/archives/spip.php?rubrique1031

La contre-offensive citoyenne à l’égard de la gestion de plus en plus dictatoriale des pays par le système politico-financier nécessite des recours multiples et adaptés à cette conjoncture. Comme expliqué précédemment, les mobilisations tant sociales que citoyennes ne suffisent pas, d’autant que l’instrumentalisation néo-libérale des médias et de l’économie de la production immatérielle (dite de la « connaissance ») entraine la crise du monde du travail trop souvent réduit à un « capital humain », de sa culture politique et de sa conscience de classe : tentation de démobilisation dans le camp progressiste face aux enjeux historiques, dérives populistes et extrémistes correspondantes (électorat frontiste estimé à 20%)... Si le concept de « démocratie » est central et ne peut plus être traité de manière partielle ou implicite, c’est parce qu’en tant que finalité politique fondamentale, il se situe au carrefour des problématiques objectives (socio-économiques et écologiques) et subjectives (idéologiques, culturelles, psycho-sociales).

L’élargissement des prérogatives du groupe Démocratie serait donc bienvenu, entre autres sur les axes suivants :

1-Le contrôle démocratique de la gestion des affaires publiques
suite à la fin de l’ère de l’Etat-providence, cette démarche permet de créer les conditions d’une réappropriation, à terme autogestionnaire, des leviers institutionnels de l’Etat. Singulièrement dans les secteurs régaliens et international dont le fonctionnement est traditionnellement occulté (armée, coopération…) ainsi que ceux des services publics (Université, Education nationale, Santé…) , bastion progressiste à revivifier.

a- à l’échelle de la politique internationale (armée-coopération)
Voir les contributions du groupe Afrique et des Attac d’Afrique
http://www.france.attac.org/archives/spip.php?rubrique1066
Une meilleure gestion de ce secteur permettrait de pondérer l’effet d’exutoire et la décompensation belliciste produits par l’activisme guerrier du sarkozysme. La réhabilitation de l’éthique républicaine dans le domaine des relations Nord-Sud (promotion d’un idéal fraternitaire) est aussi une condition nécessaire à l’adhésion des jeunes, en particulier des banlieues et milieux populaires, à l’idéal altermondialiste. Une telle démarche solidaire pourrait être concrétisée par les actions concertées suivantes :
- évaluation de la part parasite des budgets militaires alloués aux guerres impérialistes et au nucléaire (pour l’audit de la dette)
-évaluation de la part des budgets de la Coopération et de l’APD détournée de leurs objectifs d’aide au développement
-demande de commission d’enquête parlementaire concernant le bilan de la force Licorne en Côte d’Ivoire depuis 2002 : un collectif de députés a déposé un projet de résolution à ce propos
-négociation sur ces bases d’un « Pacte démocratique » avec les Attac d’Afrique et d’Europe concernant ces points et d’une manière générale le rééquilibrage des termes de l’échange, en matière de coopération et de migrations.

b- dans le cadre des services publics (Fonction Publique)

Pour les agents et usagers des services publics, confrontés à une haute administration courroie de transmission des diktats technocratiques et oligarchiques, il importe de faire valoir les solutions expérimentées sur le terrain et viables. En complément des démarches protestataires , la démocratisation en actes du fonctionnement des services publics permettra aussi de lutter à l’encontre des immobilismes ou conservatismes corporatistes hérités de l’ère de l’Etat-providence et de stimuler l’esprit d’équipe, la solidarité et la créativité, sur le modèle des coopératives par exemple.

c- Pour une lutte efficace à l’encontre de la corruption et des conflits d’intérêt (médias-justice-impôts)

La volonté hégémonique de l’oligarchie s’est manifestée depuis une décennie par la collusion des pouvoirs politique et financier ainsi que par la confusion correspondante des intérêts public et privé. D’où la manifestation de nombreuses affaires traitées par les médias et instruites par la justice : affaire Bettencourt, de Karachi, du Crédit lyonnais, des emplois fictifs de la ville de Paris… Le manque d’autonomie de ces contre-pouvoirs a empêché jusqu’à présent l’élucidation et la sanction des cas de délinquance financière, dont la françafrique avait le triste apanage depuis des décennies (affaire Elf, angolagate…). Une action concertée de la société civile, des élus et des professionnels des secteurs concernés (impôts, trésor…) s’impose pour mettre fin à l’impunité et au sentiment d’injustice ressenti par la grande majorité et alimenté par le discours anti-démocratique du FN.
- La contribution ci-après, proposée à la publication, fait suite à l’adoption par l’AG en 2010 d’une résolution sur cette question. http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1795
Une tendance générale du néolibéralisme : l’accaparement oligarchique de l’Etat
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1893(chapitre actualisé par Christian Delarue).
-Possibilité également de collaboration avec l’association Anticor, sur l’objectif de la lutte contre les conflits d’intérêts.
http://anticor.org/2010/12/09/anticor-au-conseil-d%E2%80%99etat/ Proposition de Thierry Brugvin

Analyse des mécanismes (pantouflage -va et vient entre poste de dirigeant entre le public et privé-ou double appartenance des dirigeants et des experts...) et promotion de solutions à mettre en œuvre pour lutter contre les conflits d’intérêts .

2 - Les institutions, outils du pouvoir des peuples à définir leur avenir

L’idéal démocratique est perverti, le sens du mot démocratie ayant même été souvent réduit au type de système politique que nous connaissons. Entre autres facteurs, la réduction du champ politique à une forme de bipolarisation facilite la main mise de l’oligarchie politico-financière sur tous les aspects de la vie sociale, en dépit du fait que chaque bloc présente une certaine hétérogénéité. Cette bipolarisation accentue aussi la professionnalisation de la fonction de « représentant du peuple ».

La commission devrait d’abord se réapproprier le concept de « démocratie », en définir les différentes acceptions. Faire de même pour le « peuple ». Puis, dans un deuxième temps, évaluer les différents outils au service du pouvoir de tous de décider de leur avenir et notamment des différentes institutions et modes institutionnels qui traduisent ce pouvoir en réalité. Ce peut être des institutions existantes mais rénovées, redéfinies (référendum d’initiative populaire par exemple), ou des institutions alternatives (promotion des conférences de citoyens, du tirage au sort, reconnaissance du vote blanc et prise en compte des abstentions pour la répartition des mandats lors des consultations électorales et pour la validation de celles-ci, par exemple).
Ces outils concernent tout autant les peuples (niveaux régional, national, européen, mondial) que les groupes plus restreints comme les associations : il s’agit donc tout autant de la démocratie interne aux organisations, dont Attac, que de la démocratie citoyenne.

3 - La collaboration avec les organisations et organismes travaillant sur ces problématiques et la médiatisation de ces travaux  : LDH (Pacte citoyen), Médiapart (congrès Dette et démocratie), Etats généraux des services publics…

Attac d’Afrique et d’Europe, organisations des diasporas du Sud, Survie, CADTM (Audit de la dette publique), réseau Terra, Anticor…
Publication souhaitable d’un premier dossier à l’occasion du congrès Dette et démocratie et dans le cadre du 4 pages sur les Indignés. D’une manière générale, il serait bienvenu que la conception altermondialiste de la démocratie dans ses divers aspects fasse l’objet d’une promotion dans les médias associatifs.