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A propos de l’intensité et l’intensification du travail. Christian Delarue

samedi 30 juin 2018, par Amitié entre les peuples

A propos de l’intensité et l’intensification du travail.

2010 : Cf notamment pour un usage syndical le livre : « Intensité du travail et santé. Quelles actions ? » - VO Editions - L’Harmattan 2001

1) Commençons par donner un contour à l’intensité du travail.

La performance est un terme de sportif passé chez les managers qui sont en quelque sorte des entraineurs. Le terme est étudié dans l’économie de gestion tout comme la productivité ressort de l’économie globale. Mais l’intensité du travail fourni relève du langage des travailleurs et des syndicats. L’intensité du travail serait pour les chercheurs la face caché de la productivité, mais elle ne se ramène pas à elle.

L’intensité du travail relève d’une appréciation de la charge de travail réalisée . Une appréciation subjective pour le travailleur. Un appréciation toujours en lien avec la charge demandée ou imposée pour le chef d’unité.

L’intensité du travail a fait une apparition massive dans le discours d’une part avec la RTT Aubry et la RTT dans les administrations et d’autre part avec la montée du harcèlement au travail. L’ISERES a publié en 2001 (1) des études précédemment menées par les chercheurs pour mettre à la disposition de tous les résultats des études scientifiques sur la question.

Pour le dirigeant elle a plus de lien avec la performance. Elle a un rapport avec des objectifs et, derrière, avec d’autres acteurs en situation similaire. Mais on sait aussi peu mesurer la performance que l’intensité du travail explique Marc Bartoli professeur de science économique. Les travailleurs ne sont pas des athlètes exécutant un effort bien précis dans un cadre bien délimité. La principale différence c’est qu’ils doivent tout à la fois tenir la cadence de travail en même temps que la qualité de la prestation. C’est ce qui fait la difficulté du travail outre son caractère contraint et subordonné pour les salariés.

2) Passons de l’intensité à l’intensification du travail.

Pour intensifier le travail, pour activer les cadences, les rythmes il importe pour le donneur d’ordre d’avoir des repères à exposer en appui de sa demande. Il peut exiger d’aller plus vite simplement parce qu’il est le chef et qu’il n’aime pas la flânerie qu’il faut toujours chasser. Mais pour qui se réclame d’un « management humain » il importe de se référer à des performances humaines reconnues, universalisables.

Mais la tendance contemporaine issue de la crise de rentabilité du capital est de prendre systématiquement comme repère les meilleurs agents, « l’élite ouvrière ». La rémunération par prime à la performance entérine ce choix managérial au plus haut niveau des entreprises et des administrations. Prenant les meilleurs, le management soit-disant « humaniste » se rapporte alors à de véritables « hommes-machine » et dégénère ainsi en management réifiant méprisant le rythme nécessairement différent de chacun (cf « La barbarie douce » de Jean-Pierre Le Goff ). D’où le stress, le harcèlement et la mauvaise santé au travail.

Pour adoucir quelque peu ce mode de management tout en lui conservant un critère extérieur propice à la mobilisation de la force de travail le management contemporain va mettre l’accent sur la satisfaction du client. On parlera de « l’économie de débit » comme dans le cadre industriel soit le nombre de produits vendu dans une journée. S’il s’agit de fournir des réponses complexes pour vraiment satisfaire le client (ou l’usager d’un service public) alors ce modèle de productivité tombe. On cherchera alors à rationaliser l’unité de travail pour différencier les réponses à donner en distinguant deux niveaux de réponse l’un sommaire l’autre d’expertise. Mais en fait on va toujours retrouver un discours idéologique de la performance qui fait écran au retour du vieux stakhanovisme qui reste « l’inconscient patronal » de l’intensification du travail.

Comme facteur favorisant l’intensification on va trouver l’impératif de concurrence et de « guerre économique » et derrière la menace du chômage. C’est efficace mais avec des limites : il y a toujours une performance maximale et elle n’est pas réalisée d’une année sur l’autre car les humains ne sont pas des machines. Il arrive même aux meilleurs de flancher ! En outre il y a eu aussi l’échange de dupe généralisé lors du passage aux 35 heures au début du siècle : en échange de la RTT vous allez devoir « bosser » plus vite et mieux.

3) Contre l’intensification avec une nouvelle RTT.

Contre le travaillisme (au sens large) des uns et le chômage des autres, il serait bon que la prochaine RTT soit sévèrement cadrée pour empêcher les compensations patronales attendues soit du côté des salaires moindres soit du côté de l’intensification ou de la flexibilité (pour travailler plus).

On est là en face de fortes exigences antinomiques. On ne sort pas de la lutte des classes même quand on nous impose la lutte des places.

Christian DELARUE

publié le 22 oct 2010

1) Intensité du travail et santé. Quelles actions ? VO Editions - L’Harmattan 2001.

Certains des textes de cet ouvrage sont aujourd’hui sur le web.