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Démocratie, populisme de gauche et peuple-classe. C Delarue

jeudi 26 octobre 2017, par Amitié entre les peuples

DEBAT avec André BELLON

DEMOCRATIE, POPULISME DE GAUCHE et PEUPLE-CLASSE.

André Bellon sur Association pour une Constituante reprend la question du populisme et de la notion de peuple au regard de la démocratie.

Son premier propos ne semble pas faire problème  : "Dans un premier temps, le mot « populisme » a été employé de façon plutôt méprisante pour l’assimiler aux partis d’extrême droite qui progressaient, en particulier en Europe. Ce fut la période où toute opposition aux choix d’une classe dirigeante de plus en plus confrontée à des rejets et des échecs électoraux, était traitée de dangereuse, d’irresponsable, d’incompétente, d’extrémiste réactionnaire, le tout résumé par le mot populiste. Ce fut le cas en France en 2002 après le premier tour de la Présidentielle ou, en 2005, lors du référendum sur le Traité Constitutionnel européen. Une fraction de la gauche, voulant récupérer les rejets ainsi exprimés, commença alors à ne plus bouder le mot en assumant directement le terme de populiste qu’elle qualifia évidemment « de gauche ».

Pris au pied de la lettre, le populisme semble donc désigner ceux qui s’indignent d’une fracture profonde entre une élite exsangue et une masse populaire largement majoritaire, mais sans pouvoir politique réel.

Du côté de l’extrême droite, la chose est assez simple : le peuple étant censé représenter une sorte d’ethnie, il y a peu de fracture en son sein sur ce terrain. L’unité du peuple doit être naturelle contre une élite déconsidérée.

Du côté gauche, le « moment populiste » impose des contorsions plus difficiles, en tout cas dans le long terme car la présidentielle ne peut permettre de résoudre que temporairement la quadrature du cercle. Ses défenseurs, souhaitant rassembler largement autour d’une alternative politique, ne se réfèrent plus directement au concept de lutte des classes qui demanderait d’ailleurs clarification dans une phase historique de profond bouleversement social.

Grosso modo, nous aurions pu écrire ces lignes.

André Bellon poursuit sur deux problèmes qu’il convient de discuter à gauche.

« Mais, de ce fait, deux problèmes se posent aux mouvements qui se veulent de gauche et rassembleurs du peuple. Le premier est de savoir comment rassembler mais, dans le même temps, exclure pour rester « populistes » ? La volonté de représenter un peuple purifié de scories présentées comme nuisibles amène à se référer par exemple à un peuple arbitrairement limité à 99% (pourquoi pas 99,5% ou 97,5% ?), tentant ainsi une synthèse bancale entre le peuple au sens large et la lutte des classes. »

C Delarue : Il s’agit effectivement plus pour nous, à la suite du « nous sommes les 99%  », d’une part de distinguer et non d’amalgamer tous les citoyens dans une communauté politique fut-ce celle des citoyens égaux en droit, même si nous ne refusons évidemment pas ce principe citoyen d’égalité (à la différence de l’extrême droite) mais nous l’estimons répété mais non appliqué et d’autre part, en conséquence, de savoir rassembler dans une perspective démocratique qui n’ignore pas les rapports de force le vaste ensemble des "sans pouvoirs » à divers plans, tant celui politique (voter puis se taire) que celui économico-social (vivre modestement et se taire), ce qui renvoie à la convergence des groupes sociaux du peuple-classe, lequel se rapporte depuis Occupy Wall Street au 99% d’en-bas (lire La gauche mondiale de Wallerstein ).

Disons ici d’emblée 1 - que les personnes de revenus modestes ne sont pas les 99% - la barre est évidemment plus basse (le niveau du smic ?), 2 - que le chiffre de 99% est dialectiquement, tout à la fois approximatif (frontière floue) et globalement fort pertinent pour montrer les riches du 1% d’en-haut, 3 - que le 1% domine économiquement mais aussi politiquement, 4 - que le terme peuple-classe renvoie à l’idée de rapport social entre un "en-haut » et un vaste « en-bas » . Tout comme il existe d’autres rapports sociaux sources de clivages sociaux !

André Bellon poursuit sur l’idée de « consensus conflictuel » : "La deuxième est que, sauf à entrer dans une logique qui rappellerait trop le stalinisme, il faut que cette synthèse préserve le principe démocratique. D’où l’utilisation de l’« agonisme », concept bizarre censé créer, selon ses promoteurs, un « consensus conflictuel », intéressant oxymore dont on voit mal la capacité de survie historique et les conditions de cette éventuelle survie.

C Delarue : Le débat est de nouveau lancé ici aux partisans de Mme Mouffe. Nous n’y répondons donc pas. Lire Fabrice Flipo et autres sur l’Humanité.

André Bellon : Devant ces exercices compliqués, que ce soit à gauche ou à droite, nous tentons de rappeler quelques principes qui nous paraissent utiles, même s’il est normal qu’ils soient soumis à discussion et en espérant qu’il en soit ainsi.

Nous tenons à la démocratie, c’est-à-dire à la souveraineté populaire. (NOUS AUSSI ) En aucun cas, il ne s’agit de penser que le système politique d’aujourd’hui peut être représentatif de la démocratie alors que tout est fait pour en contourner les principes. Examinons la situation sans complaisances : la liberté de la presse est à reconstruire, la citoyenneté n’est plus qu’un mot et l’esprit critique n’est évoqué que…pour le critiquer. Reconstruire la démocratie et la citoyenneté est donc un combat autant philosophique que politique qui ne saurait être l’apanage de tel ou tel groupe. Il est une lutte tant pour la liberté individuelle que pour la souveraineté collective et ne saurait s’accommoder du pouvoir d’un chef, aussi charismatique soit-il. (NOUS AUSSI - Refus du césarisme)

Incise de C Delarue : André Bellon ne dit pas que pour la gauche anti-systèmique la mobilisation de rue en lien avec la grève des travailleurs et travailleuses fait partie du processus démocratique qu’on ne saurait limiter à la votation. Je pense qu’il est d’accord mais cela demande vérification.

A Bellon : Ce projet, beaucoup le soutiendront tout en en critiquant sa supposée naïveté vis-à-vis de la « démocratie bourgeoise ». Rappelons-leur, une fois de plus, la déclaration de Jean Jaurès : « Ceux qui prévoient la prise de possession brusque du pouvoir et la violence faite à la démocratie, ceux-là rétrogradent au temps où le prolétariat était réduit à des moyens factices de victoire ». Parler de souveraineté populaire conduit à accepter les contradictions qui traversent la société sans chercher à en supprimer artificiellement -ou par la force- certaines des composantes. Cela signifie l’acceptation des conflits inhérents à toute société et une règle du jeu démocratique pour les résoudre. Bien entendu, la règle du jeu devient, de ce fait, un enjeu fondamental et c’est pourquoi l’objectif de l’élection d’une Constituante en France est au centre des questions posées par la période. La démocratie doit être aussi l’espace où s’expriment et se tranchent les rapports sociaux.

Incise C Delarue : La gauche marxiste, de façon générale (il y a des exceptions) n’est pas pour des coups d’Etat. On peut débattre de l’articulation entre mouvement de révolution populaire et processus démocratique en marchant.

A Bellon  : La démocratie n’est pas bourgeoise par essence. Elle n’est pas un fétiche, elle doit être un choix raisonné. La chose est d’autant plus essentielle à rappeler au moment où resurgit la violence comme moyen de résoudre les conflits. La démocratie doit être ce qu’en fera le combat pour les libertés et pour les valeurs humanistes.

Commentaire C Delarue : La démocratie n’est certes pas bourgeoise par essence puisqu’à priori la démocratie est le pouvoir du peuple. Mais il existe des mécanisme d’accaparement pour le bénéfice de la classe dominante ou de l’oligarchie. La démocratie restreinte le permet. Le problème de la démocratie dite représentative mieux nommée délégataire - qui est la démocratie réellement existante - est qu’elle donne mandats durables à une petite minorité d’élus de rester en poste de pouvoir. Dans quasiment tous les pays du monde (sans parler des dictatures) on a vu des élus faire des carrières politiques de 25 à 65 ans, le tout en percevant des revenus élevés, supérieurs au citoyen lambda ! De ce fait problématique,on débat dans et hors les Universités, et notamment dans l’altermondialisme (ATTAC, CADTM, Fondation Copernic, etc…) depuis des décennies soit pour réduire l’écart entre les élites politiques installées et le peuple dépossédé (en restant dans le paradigme dominant - ce qui n’est pas en soi méprisable), soit pour changer de paradigme et de système démocratique (ce qui ne relève pas à priori du stalinisme ).

A Bellon : Au moment où le peuple tend à s’émietter, il faut réaffirmer qu’il n’appartient à personne. Il est une communauté politique souveraine et doit être respecté comme tel. Toute tentative d’en faire un objet ou de le qualifier à des fins politiques lui enlève sa capacité d’être l’acteur capable de faire face aux défis de cette période trouble et incertaine, l’empêche de reconquérir sa souveraineté naturelle.

C Delarue : Un mot comme peule-classe nomme une vaste sphère des sans pouvoirs, des dominés économico-politiques, face à la classe dominante . Les nommer, s’adresser à eux n’est certainement pas neutre. Nous, membres du peuple-classe, n’allons pas nous en priver ! Tout comme évoquer la « démocratie réellement existante » liée au "système représentatif capitaliste (JM Toulouse) au lieu de la démocratie sans adjectif !

Les altermondialistes entendent aussi le mot peuple dans une double dimension : le peuple-classe (convergence des couches et classe des 99%), et la communauté des citoyens.

Christian DELARUE

Du bon usage du peuple

https://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article1403