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2012 : De Michel Henry né en 1912 et décédé en 2002 : son Karl MARX par D Collin

vendredi 28 décembre 2012, par Amitié entre les peuples

De Michel Henry né en 1912 et décédé en 2002 : son Karl MARX par Denis COLLIN

Les deux volumes du Karl Marx de Michel Henry restent une des plus belles et des plus stimulantes lectures de Marx. La nouveauté radicale de Marx est montrée comme elle l’a rarement été. A l’inverse des interprétations fondées sur la « coupure épistémologique », Michel Henry montre la cohérence philosophique de l’oeuvre. A l’inverse des lectures « scientistes », il restitue la portée critique et par là même l’actualité de la pensée marxienne.

Il reste que certains points de cette analyse méritent d’être soumis à la critique. Essayons de pointer brièvement les problèmes, sachant qu’il faudrait évidemment, pour aller au fond des questions, porter notre attention non seulement sur le Karl Marx mais plus généralement sur l’ensemble du travail philosophique de Michel Henry. Il est cependant assez curieux de remarquer de que les commentateurs de Michel Henry n’accordent qu’une place très modeste à ce Karl Marx, voire se contentent d’une ou deux allusions, tant cet ouvrage leur semble incongru dans la tradition dans laquelle ils se situent et dans laquelle ils situent Michel Henry.(2)

Marx et la tradition

Michel Henry souligne avec force la nouveauté de la pensée de Marx, son originalité exceptionnelle dans la toute la tradition philosophique. Il fait de Marx l’un « des plus grands philosophes de tous les temps ». L’interprétation de Michel Henry fait de la rupture avec la métaphysique classique, avec toutes les philosophies de l’universel abstrait, la question centrale. Pourtant, on peut se demander s’il ne présente pas la philosophie marxienne d’une manière trop radicalement différente de toute la tradition de la philosophie occidentale ; il nous semble qu’il y a dans son travail une surévaluation de la nouveauté de la pensée de Marx. On a l’impression que Marx, par une sorte de geste inaugural, rompt d’un seul coup avec tout le passé de la métaphysique occidentale, de la philosophie de la conscience et invente seul quelque chose de radicalement nouveau. Cette présentation recouvre une réalité, celle de l’espèce de jubilation de la découverte qu’on retrouve dans les pages de L’idéologie allemande, ce rythme haletant des phrases qui expédient ad patres les héritiers de Hegel et le hégélianisme avec lui. Les onze courtes thèses sur Feuerbach s’abattent La radicalité du bouleversement que Marx fait subir à la philosophie peut aussi s’exprimer dans l’oubli volontaire de cet immense effort philosophique dans les années qui suivront.

Mais il n’est tout de même pas sans intérêt de remonter la filière par laquelle Marx aboutit à cette découverte, de l’atomisme épicurien au matérialisme anglais ­ qui joue un rôle décisif dans l’évolution de Marx ­ et du matérialisme anglais au socialisme français. Michel Henry place Marx en dehors de l’opposition matérialisme/idéalisme, ce qui est parfaitement acceptable si on se reporte aux thèses sur Feuerbach et si on reconnaît que Marx surmonte l’opposition métaphysique de l’idéalisme et du matérialisme en posant comme tâche centrale de la philosophie, le problème de la transformation du monde. Mais il sous-estime le rôle décisif de la tradition critique du matérialisme dans ce « renversement de la métaphysique occidentale ». Car le matérialisme n’est pas seulement une métaphysique de la matière qui viendrait remplacer l’idéalisme plus ou moins platonicien. Michel Henry semble d’ailleurs sous-estimer pour ce qui le concerne lui-même, les liens de ses propres analyses avec un certain matérialisme, particulièrement clair dans sa Phénoménologie du corps.(3)

‎denis.collin.pagesperso-orange.fr/henry.htm
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