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1946 : L’abrogation du Code de l’indigénat

vendredi 27 juin 2008, par Amitié entre les peuples

En avril 1946, le Code de l’indigénat, qui régissait depuis des décennies les populations de l’empire colonial français, fut abrogé. Les mouvements de lutte des peuples colonisés qui marquèrent la fin de la Deuxième Guerre mondiale avaient obligé le gouvernement tripartite d’alors (composé du PCF, des socialistes de la SFIO et du MRP) à lâcher du lest. Mais si ce statut appliqué dans les colonies françaises fut officiellement supprimé, les habitants de ces pays continuèrent à être considérés comme des citoyens de seconde zone et, dans les faits, ne bénéficièrent pas des mêmes lois, encore moins des mêmes droits, que la population française. Et cela dura jusqu’à ce que ces pays accèdent à l’indépendance dans les années 1960.

Appliqué dès 1881 en Algérie, le Code de l’indigénat le fut à partir de 1887 en Nouvelle-Calédonie et dans les territoires coloniaux d’Afrique. Ainsi, au moment même où la République se dotait en France d’institutions plus « démocratiques », reconnaissant aux citoyens un certain nombre de droits nouveaux, elle mettait en place le Code de l’indigénat, qui organisait la surexploitation des peuples colonisés, les privant de tous les droits.

Selon ce Code de l’indigénat, les populations de ces colonies ne pouvaient pas circuler comme elles l’entendaient, ni résider là où elles le voulaient, ni travailler librement. Ce code généralisait les réquisitions et le travail forcé, dont l’un des aspects était le portage, celui des biens et des colons. L’écrivain André Gide contribua à en dénoncer l’existence à la fin des années vingt, dans un récit qui fit alors scandale, Voyage au Congo. En outre, cette réglementation fit des administrateurs coloniaux des potentats tout-puissants auxquels était délégué le droit de juger et de punir.

Dans le meilleur des cas, le « sujet » n’était redevable que de quelques journées de travail obligatoire, qui n’étaient pas toujours rémunérées, au profit de l’administration ou des compagnies coloniales pour, par exemple, la construction ou l’entretien des infrastructures, ou pour de tout autres tâches. S’il n’y avait pas assez de travailleurs, et pas assez de volontaires, on en trouvait en organisant des rafles. Ce travail forcé fit de très nombreuses victimes. Ainsi la construction de la ligne de chemin de fer appelée Congo-Océan, longue de 500 kilomètres et reliant Brazzaville à l’embouchure du fleuve Congo, fit près de 25000 victimes.

Ce code exista jusqu’en 1946. Sa suppression ne date que de soixante ans. L’esprit colonial qui l’imprégna reste encore bien présent chez les défenseurs d’aujourd’hui de la colonisation française, comme on l’a vu récemment à propos de la loi de 2005, qui osait parler encore du « rôle positif de la présence française outre-mer », référence qui a été finalement supprimée, suite à la légitime protestation qu’elle suscita.

Michel ROCCO

Lutte Ouvrière n°1967 du 14 avril 2006


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